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LA REVANCHE DU GUILLOTINÉ
Grand roman d'aventures Par Ponchon du Terrail
Cette oeuvre saisissante du puissant auteur des Vampires de la Butte Montmartre est appelée, nous en sommes certains,
à produire une sensation profonde. L'horreur dramatique des situations, l'extraordinaire vérité des caractères,
l'énergie élégante du style assurent à la nouvelle oeuvre de M. Ponchon du Terrail un succès auquel, du reste, nos lecteurs l'ont habitué.
La Revanche du Guillotiné se divise en quatre parties:
Prologue L'HOMME SANS TÊTE !
Première partie LE CONCIERGE DU DÉSERT !
Deuxième partie UNE ÉXÉCUTION EN BALLON !
Troisième partie PERDUS DANS UN CRATÈRE !
Quatrième partie UN BAL AU PÈRE-LACHAISE !
Cinquième partie Épilogue UNE VENGEANCE EN ARAUCANIE !
Notes
La Revanche du guillotiné est en quelque sorte un roman à clés à l'envers. C'est-à-dire que des personnages réels ne se cachent pas derrière des pseudonymes plus ou moins obscurs, ils empruntent des rôles sous leur vrai nom. Comme on peut voir dans l'introduction, le plan de départ était ambitieux. Mais dans un premier temps, seulement seize épisodes ont été publiés, que vous trouverez ici, puis quelques autres ont été ajoutés, mais tellement mauvais que je ne les mettrai pas.
Tout cela a paru en 1883 dans le Chat Noir, numéros 71 à 88, sauf le numéro 80. Ce Chat Noir était le journal hebdomadaire du cabaret du même nom, où plusieurs écrivains et artistes de l'époque publiaient textes et dessins. Plusieurs des personnages du feuilleton sont des familiers de ce cabaret montmartrois.
Albert Wolff était en effet journaliste, et aussi dramaturge. D'autres, comme Jules Grévy, Jules Ferry, Ernest Camescasse et Waldeck-Rousseau, sont des personnalités de l'époque, des politiciens de la troisième République, pendant laquelle La Revanche a été écrite et publiée. Le dernier, qui joua un grand rôle dans l'affaire Dreyfus, était aussi avocat et défendit Zola dans une autre affaire, mais ce sera quelques années après que le chef des Masques sanglants ne l'assassine lâchement...
Aussi dans le premier épisode le bourreau est M. Vallès. Est-ce Jules Vallès, qui fut journaliste et écrivain et auquel on doit trois volumes de mémoires fameux? Probablement, comme il est probable que Renan soit l'écrivain et philosophe Ernest Renan, mais il est certain que Charles Monselet est l'écrivain parnassien et que Léon Bloy n'est autre que lui-même.
De son côté, Juliette Lamber était une écrivaine et salonnière autrement connue sous le nom de Mme Edmond Adam. On peut imaginer qu'Émile Goudeau et le dessinateur Henry Pille en avait fait leur tête de turc à cette époque.
L'auteur officiel de La Revanche est Ponchon du Terrail. On peut retrouver ici une référence au grand feuilletoniste Ponson du Terrail, l'auteur de Rocambole, le héros qui nous donna l'adjectif "rocambolesque". Ponson du Terrail était fameux pour travailler rapidement, d'un seul trait, sans même se relire, produisant une oeuvre abondante, mais aussi émaillée de phrases insensées comme: Le perroquet s'écria en roulant terriblement les R: Ah! le salaud, le salaud ...
Quand à l'auteur réel, c'est sans doute Raoul Ponchon. Ce n'est pas absolument certain, mais le pseudonyme est assez transparent. De plus les personnages principaux de l'histoire, mis à part les terribles Masques sanglants il va de soi, étaient des amis et des proches de Ponchon: Jean Richepin, Maurice Rollinat, Edmond Haraucourt, Émile Goudeau...
La scène du caveau, parodiant les soirées de Médan, auxquelles Émile Zola recevait les jeunes écrivains qui le considéraient comme un chef d'école, est particulièrement intéressante. D'abord l'appel des conjurés nous donne une liste, du moins partielle, des membres. Partielle parce qu'il manque Léon Hennique, qui avec Henri Céard et Paul Alexis, était un des plus importants disciples du Maître. Par contre, on a Francis Enne et Dubut de Laforest, moins connus. On voit aussi que Guy de Maupassant, ayant déjà déserté le cercle de Zola, est condamné à mort... et qu'Huysmans, n'ayant pas encore tourné le dos au Naturalisme, prend docilement sa place au sein des conjurés.
Dans cet épisode, certainement un des plus mordants du feuilleton, Paul Alexis est présenté comme un nègre à la force colossale. Ce genre de personnage est bien sûr de rigueur dans le personnel d'un chef de secte, mais il y a plus! Si Paul Alexis, le vrai, n'était pas noir, la rumeur court qu'il était nègre. En effet, Zola, sous le couvert de recherches pour sa grande théorie de la société comme un organisme vivant, mettait à profit ses admirateurs et cela allait, semble-t-il, jusqu'à la négritude, l'art de faire écrire ses oeuvres par autrui. Les beaux romans de Zola, en partie du moins, seraient l'oeuvre de Paul Alexis. Ponchon nous le rappelle avec humour.
L'épisode au Chat Noir n'a pas la même portée. Outre la révélation des talents assassinatoires de Jules Jouy, la découverte des sympathies irlandaises d'Adolphe Willette et une brève mention d'Henri Rivière, de Léo Montancey (le frère d'Émile Goudeau) et de Jean Morias (sic), on voit apparaître Rodolphe Salis, le propriétaire du cabaret, puis Sarah Bernhardt et le prince de Galles, le futur Edward VII, qui fréquentaient effectivement le Chat Noir. Quant à Tanzi, c'est sans doute le peintre Léon Tanzi, dont Émile Goudeau nous parle dans ses souvenirs, Dix ans de Bohème, qui se cache sous la tunique du cacique philosophe.
Le Tigre est un personnage énigmatique. On retrouve sa signature dans la Petite Correspondance du numéro 71 du Chat Noir, où La Revanche est annoncée. Son affinité avec la géométrie fait penser à Charles Torquet, un familier du Chat Noir qui, selon Maurice Donnay, était un jeune homme qui se préparait à passer les examens d'admission à l'École Centrale, mais d'une façon inusitée et avec un singulier outillage: à côté de ses cahiers d'algèbre et de géométrie analytique, il avait soin de poser une bouteille et une flûte . La Revanche nous apprend qu'il ne faisait qu'un avec Jean Richepin.
Et puis je ne peux que regretter les nombreux absents: Steilen, Bouchor et Allais, entre autres, qui auraient sans doute été de la fête si le feuilleton avait perduré.
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Vous noterez à la lecture les nombreuses coquilles, surtout de ponctuation, mais aussi des erreurs comme les milliards de la duchesse qui deviennent subitement ceux de la princesse, ou la confusion dans la numérotation des chapitres. J'ai essayé de reproduire au plus près le texte original, tant en forme qu'en contenu, et j'ai donc laissé tout cela. Il est aussi probable qu'en bon copiste j'ai introduit quelques erreurs de mon cru...
Mais dans la tradition feuilletonesque de Ponson du Terrail, Ponchon a délibérément introduit des erreurs, comme la navaja encore fumante apposée au revolver couvert d'un sang noir ou la pendule qui chante, mais dans un silence de mort.
On retrouve aussi à plusieurs reprises des phrases du genre: Alors, il se passa une chose incroyable! et les longues descriptions de personnages, typiques des feuilletons, car les feuilletonistes étaient souvent payés à la ligne, ou les atmosphères orageuses, pleines de mort et d'obscurité, qui sont un des charmes de cette parodie.
On notera enfin les nombreuses références artistiques, comme Ribeira ou le Corrège. C'est que ces gens-là avaient de la culture! et que les artistes avaient une part importante au Chat Noir. La présence dans l'histoire des dessinateurs Achille Mélandri, Adolphe Willette et Henry Pille, ainsi que des photographes Nadar et Carjat l'illustre assez bien.
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J'espère que la présence sur l'Internet de cette oeuvre, secondaire je l'admet, mais pas moins intéressante pour autant, aidera à mieux faire connaître les agents du Chat Noir et avant d'écrire plus que ce que vous aurez à lire, je m'arrête et vous souhaite bonne lecture.
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