La Revanche du Guillotiné

Huitième épisode




LA REVANCHE DU GUILLOTINÉ

Grand roman d'Aventures
par
Ponchon du Terrail

PROLOGUE
L'HOMME SANS TÊTE
IV
L'oeil de l'horrible éprouve un tressaillement
(Suite)

Ils s'arrêtèrent, muets, épouvantés au bord d'une profonde excavation, où gisaient incessamment, en pluie fine, du sable, des débris de cercueils et des fragments d'os humains.

En face d'eux, montant du fond jusqu'au sol, s'élevait symétriquement les cercueils rangés les uns au dessus des autres, d'une concession à perpétuité.

Quand à la chapelle qui la recouvrait il n'en restait pas un vestige.

Le Commissaire et les agents restaient pétrifiés.

— Mais comment cela a-t-il pu se produire? dit enfin M. Mélandri, au conservateur.

M. Grévy eût un geste d'accablement, et pâle de deux pâleurs, celle de l'aube et celle de l'angoisse il murmura presque incompréhensiblement.

Les Masques sanglants!.... Cette nuit.... là, à cet endroit... où nous sommes. Emile Zola,... torturait un de ses complices. Le gardien Haraucourt a tiré cinq coups de revolver! Puis au milieu d'un bruit formidable nous nous sommes retrouvés meurtris, sanglants, au fond de ce trou! Tout avait disparu!

Un long silence suivit cette déclaration de M. Grévy.

Une voix dit tout à coup :

— Monsieur le Commissaire, puis-je descendre?

C'était un homme maigre, bilieux, d'apparence sinistre, et qui scrutait depuis le commencement de cette scène avec son oeil d'aigle, la mystérieuse profondeur qui venait de s'adresser ainsi à M. Mélandri.

— Ah! c'est vous Jules Ferry! dit celui-ci. Certes, et vous allez peut-être nous donner le mot de l'énigme, vous, le bras droit de M. Camescasse?

— Peut-être, répondit le policier. Pourtant ça ne semble pas aussi commode qu'un carambolage à faire!

M. Jules Grévy, dont le billard était l'innocente passion, rougit.

Après cinq minutes d'effort, l'agent Ferry se trouva au fond de l'excavation.

Il se baissa, cherchant un indice. La terre boueuse portait des traces de pas, toutes fraîches encore.

— Rien ! fit-il en se relevant lentement.

Tout à coup il poussa un cri de triomphe.

Son oeil venait de s'arrêter sur une sorte de tige de fer sortant des parois d'une bière, à deux ou trois mètres de hauteur.

— Une échelle! commanda-t-il.

L'échelle descendue, il monta avec une agilité simiesque.

Arrivé au dernier échelon, il pesa sur la tige. La tige céda.

— Il me faut quelqu'un, dit-il.

M. Grévy et le Commissaire descendirent.

— Agents, Nadar, descendez aussi, dit Ferry, vous allez me donner un coup de main, vous qui êtes solide! Aidé par Nadar, Ferry appuya sur la tige de fer, un bruit sec, se fit entendre, et aussitôt, le dernier cercueil touchant le sol, fit bascule, laissant béante, une étroite ouverture.

— Bien ! fit Jules Ferry. Pontmartin avait raison!

D'un seul bond les deux policiers furent en bas.

— Suivez-moi commanda Ferry, en appelant du geste les témoins étonnés.

Et se mettant à plat ventre, il se glissa dans l'étroit passage, et derrière lui, se traînant péniblement, M. Mélandri, le gardien Grévy et les deux agents.

Ils allaient, malgré l'horreur qui les enveloppait, se sentant au coeur la satisfaction du devoir accompli, froissant, dans les ténèbres des restes de cadavres, dérangeant, dans leur dernière retraite des ossements d'aïeux!...

Subitement Ferry s'arrêta.

— Attendez! J'allume!

Une vive lueur se fit.

Ils se virent alors dans une grande salle, dont les murs étaient couverts d'inscriptions bizarrement farouches; le long des murs, des bancs et des pupitres.

Surpris, mais résolus, ils regardèrent, lorsque, subitement, Jules Ferry jeta dans ce formidable silence, un ricanement vainqueur, et ramassant une carte de visite, il s'approcha de la lumière, et lut tout haut ces mots tracés avec du sang :

« Prends garde Zola! Richepin n'est pas mort. »

De l'autre côté, le morceau de carton portait simplement :

Adolphe Willette
Photographe
Concierge du désert

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Fin du Prologue.

(La suite au prochain numéro.)



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