LA REVANCHE DU GUILLOTINÉ

Grand roman d'Aventures
par
Ponchon du Terrail

PROLOGUE
L'HOMME SANS TÊTE
III
Les Masques sanglants
(Suite)

Dubut de Laforest, en sentant sur ses épaules les mains brutales des tortionnaires, poussa un cri terrible. — A présent qu'il se sentait perdu il jetait bas le masque de l'hypocrisie. — La rage alluma dans ses yeux un flamboiement infernal, et, échevelé, bondissant comme les grands tigres des Jungles, il renversa, en un violent effort, sur le sol, les herculéens sicaires; mais le malheureux était condamné irrémédiablement.

Sans s'émouvoir, le chef des Masques sanglants fit un signe impératif au nègre. — Va, Paul Alexis, lui dit-il.

Aussitôt, froidement, à pas lents, l'hercule noir s'approcha de Dubut de Laforest, rugissant de colère et d'effroi, près de la porte du souterrain, et d'une seule main, le saisit et l'étendit sur les dalles.

Les bourreaux se jetèrent alors sur le condamné et aidés par Paul Alexis, lui arrachèrent ses vêtements.

A présent, l'homme gisait, nu, se tordant en des convulsions inutiles et formidables; le corps marbré de taches rouges, une bave sanglante au coin des lèvres crispées

Avec la majesté implacable d'un tyran assouvi, le mystérieux président descendit de son lourd fauteuil et vint regarder le misérable.

Dans le silence écrasant et sépulcral, on n'entendait plus que le souffle rauque s'échappant des poumons torturés du patient.

Le bourreau et la victime se regardèrent fixement pendant quelques minutes.

Enfin le chef dit :

— Tu as mérité la mort, et la mort la plus cruelle, dans d'inimaginables supplices. Eh bien, dis-nous où sont les papiers et tu es libre!

Dubut de Laforest ne répondit pas.

Le chef reprit, d'une voix terrible :

— Si tu ne veux point répondre à présent, tu nous répondras tout à l'heure, quand ces tenailles chauffées à blanc mordront ta chair; quand, un par un, elles t'arracheront les poils de la barbe; lorsque, étendu, sur une roue vertigineuse, ton corps se déchiquetera aux lames acérées de gigantesques Kriss javanais. Allons, réfléchis, dis-nous où est le testament. Dis-nous ce qui s'est passé dans la nuit du 22 octobre, entre toi, Kistemaeckers et la duchesse Diane; dis-nous qui devait remettre au fils d'Albert Wolff les deux milliards de la duchesse?

Pour toute réponse, Dubut de Laforest eut un ricanement sinistre.

— Commencez, dit le chef froidement.

Aussitôt, le nègre herculéen, saisissant les tenailles énormes, s'approcha du condamné.

Les mâchoires rouges mordirent soudain le sein droit de l'infortuné.

Au contact du fer incandescent, la chair humaine crépita avec un bruit d'averse.

Une ignoble odeur de viande grillée emplit le souterrain.

Puisant dans son implacable volonté un courage surhumain, le supplicié semblait ne ressentir aucune douleur. Au milieu de la fumée s'échappant de l'horrible brûlure faite à ses pectoraux de jeune dieu grec, sa face, pâle comme un suaire, n'avait pas un tressaillement.

Sur un signe du chef, Paul Alexis arracha de la plaie les tenailles déjà éteintes.

Le mot traitre apparut, tracé sur la poitrine du malheureux en lettres sanguinolentes.

Le chef dit :

— A Présent, seras-tu plus raisonnable Dubut?

L'infortuné se souleva et regardant puissamment son tortureur

— Tu crois me faire parler, voilà ma réponse.

Alors, une chose, saisissante d'horreur, se passa :

Le patient eut une contraction effroyable des mâchoires, un flot de sang noir sortit de ses lèvres grinçantes, et se soulevant à demi, il cracha sa langue coupée à la face du chef.

Un cri de rage, sorti simultanément des cent poitrines des conjurés, fit trembler la voûte, comme l'explosion d'une poudrière.

Un coup de feu lui répondit............

(La suite au prochain numéro.)