Écrivains féminins
au 19ième siècle




Combien d'écrivains incontournables trouve-t-on en France au dix-neuvième siècle? Je veux dire par là, ceux que l'on retrouve immanquablement dans les multiples versions de l'histoire littéraire. Supposons une centaine. De ceux-là combien sont des femmes? Je ne vois guère que Madame de Staël et George Sand, ce qui nous donnerait une proportion de deux pourcent. Siècle 19 peut-il faire mieux?

Ce projet devait au départ compter environ deux cent écrivains. Il en comptera vraisemblablement près de deux cent cinquante. Dans cette impressionnante liste d'écrivains méconnus, combien de femmes y aura-t-il? Environ une douzaine, peut-être une quinzaine. C'est à peu près cinq pourcent. Certains - certaines - trouveront que c'est peu, mais il faut bien admettre que la littérature avant le vingtième siècle a été le domaine quasi-exclusif des hommes.

Le critère de sélection pour apparaître sur ce site est d'avoir été un écrivain d'un certain renom à son époque, puis d'avoir été à peu près oublié, d'être aujourd'hui méconnu. Le sexe de l'écrivain n'a pas d'importance. Si peu de femmes apparaîtront ici, c'est qu'il y en avait proportionellement peu qui correspondent à ce critère. Quelles sont-elles?

Ce site vous offre - ou vous offrira - Madame de Girardin, Anna de Noailles, Marceline Desbordes-Valmore, Nina de Villard, Juliette Lambert, Marie Nizet, Judith Gautier, Marie Krysinska, Rachilde, Amélie Villetard, Renée Vivien, peut-être Raoul de Navery, Daniel Stern, Louise Michel et Gyp.

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George, Raoul, Daniel? Des écrivains féminins? Quand il était question de vendre dans la Presse, les femmes avaient peu souvent le loisir de leur nom, ou alors le courage de publier sous lui. Le pseudonyme sert à préserver l'honorabilité et la réputation. Masculin, il sert aussi sans doute à être prise au sérieux. Celles qui le prirent semblent surtout avoir été des romancières professionnelles. Peut-être souffrait-on moins d'une réputation de poètesse.

Est-ce que de tout temps on n'a pas eu des préjugés contre les femmes qui écrivaient, leur refusant le titre d'écrivain au profit de celui péjoratif de "bas-bleu"? Il y a certainement un peu de cela, mais des femmes comme celles que j'ai déjà nommées étaient déjà à leur époque considérées comme de "vrais" écrivains. Je pense que surtout les femmes au dix-neuvième siècle se sont en majeure partie consacrées à une littérature de salon, conservatrice et amateure. On laissait de côté les questions littéraires pour celles de bon goût.

Femme ne vivant pas de sa plume, c'est le principe même du bas-bleu que d'être une femme respectable, tenancière de salon peut-être, entichée de littérature bien certainement, mais se tenant une ou deux générations derrière l'actualité littéraire, et se plaisant à être encensée sur le mode mimeur, à la lueur de valeurs établies.

Il y a un parallèle à faire avec l'art. Il faisait parti de l'éducation d'une jeune fille de bonne famille de savoir dessiner et peindre. Ça n'en fait pas des artistes. Pour des milliers de bouquets de fleurs et de charmantes aquarelles, combien de Rosa Bonheur, de Berthe Morisot ou de Suzanne Valadon? De la même façon, elles apprenaient le piano sans que ça en fasse des musiciennes. Et cela n'est pas exclusivement vrai des femmes. Il y a tout au cour du siècle des poètes de salon qui sont encensés par leurs amis, mais ridiculisés ailleurs.

Aurélien Scholl, dans sa Foire aux artistes, après le quartier des littérateurs, nous présente celui des bas-bleues et commence ainsi :

Nota. - On ne peut y être admis qu'en fournissant les preuves d'une complète honorabilité.

Puis ayant invoqué Madame Louise Collet, Madame Manoel de Grandfort et Madame Claude Vignon (notez que les deux dernières utilisent le nom de leur mari), il conclut :

Plusieurs personnes très-estimables se sont fait inscrire dans la soirée d'hier. On ne pourra cependant les classer qu'après avoir pris connaissance de leur contrat de mariage.

Je crains que manquant d'espace et de temps, les écrivains de salon - qui sont quand même une expression de la littérature au dix-neuvième siècle - ne devront attendre quelques temps - femmes ou hommes - leur introduction sur Siècle 19.




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