Combien d'écrivains incontournables trouve-t-on en France au dix-neuvième siècle? Je veux dire par là, ceux que l'on retrouve immanquablement dans les multiples versions de l'histoire littéraire. Supposons une centaine. De ceux-là combien sont des femmes? Je ne vois guère que Madame de Staël et George Sand, ce qui nous donnerait une proportion de deux pour cent. Siècle 19 peut-il faire mieux? Ce projet devait au départ compter environ deux cent écrivains. Il en compte finalement un peu plus de deux cent cinquante. Dans cette impressionnante liste d'écrivains méconnus, combien de femmes y a-t-il? Une quinzaine. C'est à peu près six pour cent. Certains — certaines — trouveront que c'est peu, mais il faut bien admettre que la littérature avant le vingtième siècle a été le domaine quasi-exclusif des hommes. Le critère de sélection pour apparaître sur ce site est d'avoir été un écrivain d'un certain renom à son époque, puis d'avoir été à peu près oublié, d'être aujourd'hui méconnu. Le sexe de l'écrivain n'a pas d'importance. Si peu de femmes apparaissent ici, c'est qu'il y en avait proportionnellement peu qui correspondent à ce critère. Quelles sont-elles? Ce site vous offre * * * * * George, Daniel, Raoul? Des écrivains féminins? Quand il était question de vendre dans la Presse, les femmes avaient peu souvent le loisir de leur nom ou alors le courage de publier sous lui. Le pseudonyme sert à préserver l'honorabilité et la réputation. Masculin, il sert aussi sans doute à être prise au sérieux. Celles qui le prirent semblent surtout avoir été des romancières professionnelles. Peut-être souffrait-on moins d'une réputation de poétesse. Est-ce que de tout temps on n'a pas eu des préjugés contre les femmes qui écrivaient, leur refusant le titre d'écrivain au profit de celui péjoratif de "bas-bleu"? Il y a certainement un peu de cela, mais des femmes comme celles que j'ai déjà nommées étaient déjà à leur époque considérées comme de "vrais" écrivains. Je pense que surtout les femmes au dix-neuvième siècle se sont en majeure partie consacrées à une littérature de salon, conservatrice et amateure. On laissait de côté les questions littéraires pour celles de bon goût. Femme ne vivant pas de sa plume, c'est le principe même du bas-bleu que d'être une femme respectable, tenancière de salon peut-être, entichée de littérature bien certainement, mais se tenant une ou deux générations derrière l'actualité littéraire, et se plaisant à être encensée sur le mode mineur, à la lueur de valeurs établies. Nota. - On ne peut y être admis qu'en fournissant les preuves d'une complète honorabilité. Puis ayant invoqué Madame Louise Collet, Madame Manoel de Grandfort et Madame Claude Vignon, il conclut : Plusieurs personnes très-estimables se sont fait inscrire dans la soirée d'hier. On ne pourra cependant les classer qu'après avoir pris connaissance de leur contrat de mariage. Il y a un parallèle à faire avec l'art. Il faisait parti de l'éducation d'une jeune fille de bonne famille de savoir dessiner et peindre. Ça n'en fait pas des artistes. Pour des milliers de bouquets de fleurs et de charmantes aquarelles, combien de Rosa Bonheur, de Berthe Morisot ou de Suzanne Valadon? De la même façon, elles apprenaient le piano sans que ça en fasse des musiciennes. Incidemment cela n'est pas exclusivement vrai des femmes. Il y a tout au cour du siècle des poètes de salon qui sont encensés par leurs amis, mais ridiculisés ailleurs. Je crains que manquant d'espace et de temps, les écrivains de salon — qui sont quand même une expression de la littérature au dix-neuvième siècle — ne devront attendre quelques temps — femmes ou hommes — leur introduction sur Siècle 19. * * * * * Les écrivains qui apparaissent sur Siècle 19 sont en fait tirés d'une liste de près de six cent écrivains. Il y en a donc beaucoup qui n'y trouveront pas leur place. Comme les femmes en littérature au dix-neuvième siècle est un sujet intéressant, mais négligé, je place ici une liste d'écrivains féminins qui ne trouveront pas leur place ailleurs sur ce site, mais qui valent, je pense, d'être mentionnées. Adèle Daminois (1785-1876) a écrit des romans de moeurs, une pièce en collaboration avec Amable de Saint-Hilaire et de nombreux articles en faveur de l'émancipation des femmes, une féministe de la première heure et la mère de Marie du Fresnay, la maîtresse d'Honoré de Balzac. Virginie Ancelot (1792-1875) est une de ces femmes que la richesse mit au coeur de tout. Elle était, selon Wikipédia, Mélanie Waldor (1796-1871) écrivit des romans, de la poésie et du théâtre, était salonnière et la maîtresse d'Alexandre Dumas. Sabine Casimire Amable Voïart (1798-1885), dite Amable Tastu, a d'abord été poétesse romantique proche de Victor Hugo et Chateaubriand, avant de "se livrer à des productions alimentaires afin de subvenir aux besoins de sa famille" (Wikipédia), ce qui inclut quand même des oeuvres pédagogiques et d'érudition, ainsi que des libretti pour Saint-Saëns. Henriette Étiennette Fanny Reybaud (1802-1870) a publié des romans et des nouvelles sous le nom de Madame Reybaud. Si Louise Bertin (1805-1877) fût poétesse, elle fût peut-être surtout compositrice, ayant composé de nombreux opéras, notamment en collaboration avec Victor Hugo. Eugénie de Guérin (1805-1848) était femme de lettre et soeur de l'écrivain Maurice de Guérin. Elle a écrit de la poésie et un journal où, dit-on, le christianisme tient une place importante. Élisa Mercoeur (1809-1835) était une poétesse qui collectionna les riches protecteurs et de laquelle Wikipédia nous apprend: À Paris, Élisa Mercœur devient une habituée des salons littéraires et s’attire les louanges de Lamartine, Musset, Hugo, Chateaubriand. Elle se lie aussi d’amitié avec Mélanie Waldor et Madame Récamier. Sophie d'Arbouville (1810-1850) était poétesse, nouvelliste et salonnière, comme sa grand-mère Sophie d'Houdedot, Agathe-Sophie Sasserno (1810-1860) était poétesse à l'époque romantique et était en relation, entre autres, avec Lamartine, Dumas, Hugo et Chateaubriand. Anaïs Ségalas (1811-1893) a écrit des romans, des pièces de théâtre et de la poésie. Ses positions sociales, notamment contre l'esclavage et pour les femmes, en font une sorte de pré-féministe, progressiste, mais dans la tradition catholique. Louise Ackermann (1813-1890) était poétesse. Elle eut une bonne éducation, littéraire, voltairienne et polyglotte. Proche de Victor Hugo dans sa jeunesse, on la dit pessimiste sous l'influence allemande vers la fin de sa vie. Émilie Mathieu (1818-1904) était femme de lettres, compositrice et la soeur de Émilie-Thérèse Paton (1820-1887) écrivit des romans et une pièce de théâtre sous le pseudonyme de Jacques Rozier. Marie-Laure (1822-1843) a eut une vie des plus malheureuses. Elle devait avoir du talent, car elle reçu l'aide de Théodore de Banville, mais mourut à vingt-et-un ans. Son nom de famille était Grouard. Justine Mie d'Aghonne (1823-1897) était romancière et nouvelliste. Elle a écrit quelques livres politiques sous le pseudonyme de Marforio et son vrai nom était Louise Justine Augusta Philippine Lacroix. Rose Harel (1826-1885) était poétesse et goguettière. Wikipédia nous dit que Sa poésie est musicale, douce, naïve. En général, elle évite les fadeurs, anime l'image, - c'est un don, - tend à la perfection relative de la forme, a, surtout, le souci du fond. Et le fond, dans ces deux volumes, "l'Alouette aux blés" et "Fleurs d'automne", le fond, dis-je, est imprégné, comme il doit l'être pour valoir beaucoup, de la sève d'une âme haute. Marie Le Harivel de Gonneville (1827-1914), la mère de Gyp, était aussi romancière et publiait sous les pseudonymes de Jack Franck et Aymar de Flagy. Marie-Noémi Cadiot (1828-1888), alias Pierre Vignon (parfois aussi H. Morel), était sculpteur, romancière, journaliste et féministe. Certaines sources la font naître en 1832. Zénaïde Fleuriot (1829-1890) écrivit sous le pseudonyme d'Anna Edianez plusieurs romans destinés aux jeunes filles qui furent très populaires à leur époque. Wikipédia nous dit qu'elle avait Marie-Antoinette Barsalou (1829-1904), dite Manoël de Grandfort, Marie de Grandfort ou encore Marie Fontenay, était romancière, journaliste et écrivit des souvenirs de voyage. Elle a été la compagne d' On a salué en Manoël de Grandfort « l'ironiste de nos travers mondains » et la femme de lettres « spirituelle sans méchanceté, mordante sans aigreur ». Jean-Michel Delmas dans un article du 17 septembre 2021 publié dans Sud-Ouest et intitulé Le saviez-vous? la féministe Manoël de Grandfort n'a pas laissé de place à son nom cite un article de La Fronde — le journal féministe fondé en 1897 par Marguerite Durand, qui durera jusqu'en 1930 et où Manoël tenait la critique littéraire — déclarant le premier juillet 1904: Vendredi, nous l’avons accompagnée dans les fleurs, au soleil, le long des routes blanches de Ville-d’Avray. L’enclos où elle dort maintenant, était une pente fleurie de rosiers grimpants. Manoël fut belle, d’une beauté impeccable et charmante avec ses yeux merveilleusement clairs. D’autres se seraient contentées d’être belles, mais elle sut avoir du talent, avec le succès de ses romans et la finesse de ses critiques littéraires. Dès la première heure, elle appartenait à ‘La Fronde’ qu’elle aimait. Malvina Blanchecotte (1830-1897), poétesse d'origine ouvrière, influencée par Lamartine et Béranger, qui fréquenta le salon de Louise Colet et dont les premières oeuvres, réunies en recueil, seront "couronnées par l’Académie française et prônées par Sainte-Beuve" (P. Vaucelles, Dictionnaire de biographie française, 1933). Louise Michel (1830-1905) était — encore merci Wikipédia — Jenny-Caroline Thircuir (1840-1928) a écrit sous le pseudonyme de Jenny Sabatier de la poésie et du théâtre, dont un opéra-comique avec le compositeur Pierre Edmond Hocmelle (1824-1895). Mathilde-Marie Georgina Élisabeth de Peyrebrune (1841-1917) était une écrivaine Elle écrit une trentaine de romans, dont Marco (1882), Victoire la Rouge (1883), Les Ensevelis (1887) et Le Roman d'un Bas-bleu (1892) et acquiert une véritable notoriété dans la société de son temps. Elle est reconnue par l'Académie française pour deux de ses oeuvres : "Vers l'amour" et "Au pied du mât". Alice Marie Céleste Durand (1842-1902), dite Henry Gréville, femme de lettre, écrivain à succès, dans à peu près toutes les formes, mais peut-être surtout romancière, et auteure de l'Instruction morale et civique pour les jeunes filles. Marie d'Agon de la Contrie (1848-1908) a écrit sous ce nom et sous celui de Madame Brunot des romans pour la jeunesse. Marie-Amélie Quivogne de Montifaud, née Chartroule, dite Marc de Montifaud (1849-1912) était selon Wikipédia Jeanne Marnière (1851-1910) est la fille de Marie-Antoinette Barsalou (voir plus haut) et a connu le succès en écrivant sous le pseudonyme de Jeanne Marni des romans, des dialogues dans les journaux ensuite publiés en volumes, dont un en collaboration avec Maurice Donnay, et du théâtre. Féministe, elle a fait partie des fondatrices du prix Fémina et a été décorée de la Légion d'honneur. Sa fille, Emy Fournier, aurait aussi été écrivaine ou du moins journaliste à La Fronde, comme sa mère et sa grand-mère. Jacqueline Rivière, née Jeanne Spallarossa (1851-1920), a d'abord signé ses romans Bernard La Roche ou Bernard de Laroche, est devenue rédactrice en chef de La Semaine de Suzette et a créé Bécassine avec les illustrations de Joseph Pinchon. Renée Gouraud d'Ablancourt (1853-1941) est une romancière populaire ayant écrit sous plusieurs noms, mais surtout ceux de Gouraud d'Ablancourt et de René d'Anjou, des romans sentimentaux, historiques ou de science-fiction. Jeanne Loiseau (1854-1921) fit de la littérature, de la traduction et du journalisme. Féministe et philanthrope, elle a fréquenté les parnassiens et publié sous le pseudonyme de Daniel Lesueur. Caroline Rémy (1855-1929), dite Séverine, Marguerite Aimery Harty, baronne de Pierrebourg (1856-1943) a d'abord été peintre et a exposé au Salon, puis a écrit des romans, dont le premier, L'autre amour (1902), a été primé par l'Académie française, et des biographies sous le pseudonyme de Claude Ferval. Après son divorce, elle a été la maîtresse de Paul Hervieu et l'amie de Marcel Proust. Thérèse Maquet (1858-1891), la nièce d'Auguste Maquet et, en quelque sorte, la protégée de Sully-Prudhomme, fit de la poésie, mais mourut à 32 ans. Jeanne Schultz (1862-1910) était romancière. Elle a parfois publié sous le pseudonyme de Philippe Saint-Hilaire. Son premier roman, La Neuvaine de Colette, publié anonymement en 1888, fût considéré comme un chef-d'oeuvre. Jeanne de Coulomb (1864-1945), de son vrai nom Cécile Marguerite Coulon de Lagrandval est une romancière populaire et catholique ayant aussi utilisé les pseudonymes Pierre Marfont, Michel Dorlys et Jacques Murol. Mathilde Alanic (1864-1948) est une romancière et nouvelliste populaire. Lucie Faure-Goyau (1866-1913) était la fille de Félix Faure — président de la république française — fervente catholique, très cultivée, elle semble surtout avoir écrit ce qu'aujourd'hui on appellerait de la non-fiction sous le nom Lucie Félix-Faure Goyau. Louise-Rose-Étiennette Gérard (1866-1953), dite Rosemonde Gérard, était poétesse, comédienne et l'épouse d'Edmond Rostand. Elle fit des pièces de théâtre en vers et des chansons sur la musique de Tiarko Richepin (un des deux fils de Marie-Louise Pailleron (1870-1951), la fille d'Édouard, a écrit des romans, des biographies et des études historiques et littéraires avant de recevoir un prix de l'Académie française pour l'ensemble de son oeuvre. Je la mentionne même si son oeuvre remonte à après la première guerre mondiale. Marie de Heredia (1875-1963) était d'abord la fille de José-Maria de Heredia, avant d'épouser le poète Henri de Régnier, d'être la maîtresse de Pierre Louÿs, et d'écrire romans, poèmes et pièces de théâtre sous le pseudonyme de Gérard d'Houville. Comme on peut s'en douter, elle a fréquenté l'intelligentsia de son temps. |
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