Dans ce premier volume de La Vie à Paris, qui regroupe ses chroniques écrites en 1880, Claretie évoque les nouveaux journaux littéraires parisiens. Il parle des nouveaux venus, sans oublier sa nostalgie habituelle pour sa jeunesse. ... En vérité, ce n'est pas aux âmes que s'adressent la peinture et la littérature actuelles. Il y a pourtant des exceptions. Je disais naguère combien cette littérature nauséabonde qui se prétend gauloise avait fini par irriter et écoeurer les gens. Il me parait qu'une réaction s'opère dans ces publications populaires, et je vois, à la devanture des libraires en plein vent, des titres de journaux consolants, le Foyer illustré, qui se lit beaucoup, la Vie littéraire, la Famille, le XXe Siècle. Le XXe Siècle! « Quoi! déjà? » comme disait l'Henri III d'une opérette de M. Hervé1 à qui l'on annonçait la visite de Molière. Le XXe Siècle est un vaillant petit journal littéraire qui ne doute de rien et qui prétend durer jusqu'au siècle futur. Vingt ans encore, c'est beaucoup. La Vie littéraire, elle, entend servir la cause des jeunes et fonde une oeuvre nouvelle: l'Editorat mutuel. C'est l'association des auteurs inédits. Chacun d'eux verse une cotisation et dépose une oeuvre de littérature au bureau de l'Editorat (encore un barbarisme)! À frais communs, on imprime l'oeuvre déclarée supérieure par le jury ou le comité de l'Editorat et tout est dit. Quel comité? Je n'en sais rien. Mais tous ces efforts disséminés, toutes ces manifestations diverses prouvent cependant qu'il y a peut-être un renouveau dans notre littérature. Oh! les chers et alertes petits journaux de nos vingt ans! La Rive gauche, la Jeunesse, la Revue fantaisiste! Les voilà donc qui renaissent, et les conscrits confiants nous marchent sur les talons. Tant mieux! Ils ne fondent pas la Revue fantaisiste - fonder! c'est le mot éternel, - mais la Revue naturaliste, la Revue littéraire, et la Jeune France, ils font des vers comme M. Goudeau, le président des Hydropathes, des études remarquables comme M. Harry Alis2, des causeries alertes comme M. Ed. Deschaume, ils écrivent de véritables pages comme M. Albert Allenet3, ils assurent de vrais journalistes à l'avenir comme M. Champsaur. Voilà les nouveaux. Retenez ces noms. La lettre moulée vous les répétera souvent. Etc... Jules Claretie 1 - Hervé (1825-1892) était un compositeur d'opérettes, ami et rival d'Offenbach, dont l'oeuvre la plus connue est peut-être Mam'zelle Nitouche. |
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