— Présentement on bâtit partout des bâtisses. La main y est, point le cerveau. Ce règne était décidément marqué au front pour rompre la glorieuse chaîne des règnes: il n'aura pas mérité d'avoir, comme ses devanciers, son architecture. Piranesi s'y appelle Davioud1. — Il y a trois restaurants à la mode: Véry et Véfour au Palais-Royal, plein centre de Paris, cher aux provinces, et « le Veau qui tette », à la place du Châtelet, sans parler de Bonvalet pour les repas de noces, là-bas, plus loin que le boulevard du Temple, près de ce nouveau café turc2 où on est assis sur des divans. On va admirer cette innovation. — Les cafés principaux, Tortoni, Lemblin, Procope, viennent d'en tenter une autre. Ils ont écrit sur leurs vitrages: Riz au lait, Riz au gras, appel à la débauche opulente. C'est un succès. Au sortir des théâtres qui finissent tôt, les dissipateurs se dépêchent d'accourir avant la fermeture des volets, — minuit sonnant ou l'amende! — pour prendre leur tasse, et on pense s'ils sont regardés. — Il y a aussi depuis quelque temps une nouvelle façon dans les restaurants, c'est de demander « l'addition », au lieu de la note. Cela fait immanquablement retourner tout le monde. — Dans les théâtres, c'est M. Scribe qui tient la corde — « la corde avec laquelle Gérard de Nerval s'est pendu —, écrira ensuite Méry au bon Audebrand — La mode est encore que les pièces ainsi que les livres portent un double titre: Victorine ou La Nuit porte conseil3, Trente ans ou La vie d'un joueur4, Paméla ou La vertu récompensée5. Il y a des pièces qui vont jusqu'à soixante représentations. On ne se lasse pas des fringants colonels qui trouvent couramment à épouser des jeunes et jolies veuves avec « dix mille livres de rentes ». — Mais M. Guizot6, protestant et austère, s'est proposé de hausser les prix, formulant en un axiome de deux mots le nouveau Credo: Enrichissez-vous! » Dans un tout autre Évangile, la femme du chancelier de l'Hospital avait dit: « Nous n'emportons que ce que nous avons donné. » Etc. Nadar 1 - Étrangement, l'architecte Gabriel Davioud (1824-1881) était un collaborateur du baron Haussmann sous le Second Empire. |
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