À lire ce livre, on peut penser que Roqueplan n'aimait pas trop l'époque à laquelle il l'a écrit. Entre les femmes du monde menteuses et habillées comme des demi-mondaines, les titres faussement nobiliaires et les "petits crevés", il nous décrit les chevaux de race et les carrosses de bon goût que l'on ne voit plus que si rarement, déclare la campagne abrutissante, fait l'éloge des duels et nous annonce que seule la France connait la cuisine, qu'ailleurs on mange, avant de se lancer sur la dégénération des comestibles. Voyons ce qu'il a à dire de "la crevette ou la cocotte ou la lorette ou la biche, de quelque nom qu'on l'appelle". Ici je dois risquer un aveu. Ces femmes qui parcourent nos promenades, gracieusement anonchalies dans des voitures à huit ressorts, qui ont une admirable livrée, un cocher poudré, un attelage d'enfer, une maison montée avec le luxe étudié des Anglais, ces femmes qui ont tout, excepté une loge à l'Opéra et une place à la tribune des courses, elle ont, ce qui ne devrait pas leur être permis d'avoir, elles ont maintenant du goût. Je sais bien qu'il y a le gout sincère et le goût appris; je sais bien que ces femmes, entendant dire que certaines tendances, certaines passions sont d'un ordre élevé, se hâtent de s'en donner, sinon les jouissances (ce qui est au-dessus de leur portée), du moins les apparences matérielles: tout comme elles achètent d'un bloc pour soixante mille francs de Boule, de même elles se payent un maître d'hôtel raffiné, un service d'une élégance exquise, d'un confortable qui s'élève jusqu'à la science, comme elles recherchent de bons livres, des vins de grande année, des tableaux de maîtres, des chevaux de sang, des amants bien nés, des convives spirituels; elles développent, elles récitent plutôt, des tirades sur le sentiment de l'élégance, sur la bonne chère, sur les poëtes, sur la race des chevaux, des vins et des hommes; elles déclarent mal élevés les gens comme il faut, et, en réalité, grattez un peu sous la couche de plâtre, vous trouverez la pauvre fille qui préfère franchement le cervelas à l'ail, le cabaret, Etc.
Nestor Roqueplan |
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