Si Richepin n'a pas écrit ici le premier roman psychologique, il ne doit pas être loin. Voyons ce qu'il a à nous dire du café Tabourey. ... Lucien retourna au café Tabourey, qu'il avait fréquenté jadis avec Fresson, et qui servait alors de lieu de rendez-vous à une bande de jeunes écrivains qu'il espéra y retrouver. Ce n'est point un café où l'on s'amuse, et il ne ressemble en rien aux bruyantes brasseries du quartier latin, bien qu'il soit situé en plein pays d'étudiants, à côté de l'Odéon. Il se compose d'une grande salle où on ne peut fumer qu'à partir de deux heures de l'après-midi, et d'une petite salle nommée, comme en province, l'estaminet. La grande salle a gardé la physionomie des vieux cafés de la Restauration. Les chaises sont massives: le gros poêle dissimule son tuyau dans un palmier aux dorures pâles; les tables sont couvertes des journaux les plus graves et des revues les plus compactes. Ce luxe sobre et bourgeois, ce calme quasi-solennel donnent au café l'apparence d'un cabinet de lecture où de vieilles gens viennent dormir. Les garçons servent silencieusement, lentement, avec une sorte de dignité qui ressemble à de la mauvaise humeur. A l'époque où Lucien y allait, on vous apportait encore la bière dans de petites bouteilles au lieu de la tirer par bock à la pompe, et c'était un des rares établissements de Paris où l'on trouvât du vespetro. Néanmoins le café est célèbre. C'est un café littéraire. Il y a passé des générations d'écrivains. On y a élaboré la gloire de Ponsard. Baudelaire y a péroré. Etc. Jean Richepin |
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