Une vieille bohémienne appelée la Vougne est arrivée au village de Ohis, en Thiérache, avec son fils mort et la femme de celui-ci qui meurt en donnant naissance à Miarka. Les deux survivantes, avec leur ourse apprivoisée, s'installent chez le maire du village, M. Cattion-Bourdille, mais madame Octavie, sa gouvernante, n'est pas contente. ... — Tout cela est fort bien, disait-il, fort bien, monsieur le maire; mais enfin, pour faire de la besogne en règle, encore faut-il les éléments nécessaires, des documents, des papiers. Où est l'acte de mariage des défunts? Sous quels noms dois-je inscrire l'enfant?
L'abbé Ternaille s'interposa, disant que cela était son affaire, en effet, et que certainement il ne faillirait pas à son devoir, mais qu'avant tout on devait le mettre au courant. Il ne savait les choses que par ouï-dire et il venait précisément aux informations. Qu'est-ce que cela signifiait, cette enfant nourrie par une ourse? Voyons un peu, voyons! ... — Voilà vraiment de la besogne bien faite, bougonna madame Octavie. Et vous, monsieur le curé, allez-vous faire la vôtre aussi, comme ça, à la diable?
La gouvernante se mordit la lèvre. Puis, retrouvant brèche à la discussion sur un autre point, elle reprit : — Alors, pour les deux enterrements, vous ne vous en mêlerez pas non plus, si vous êtes logique. Pasteur, vous fermerez aux intrus la bergerie, c'est-à-dire le cimetière. J'y compte bien, d'ailleurs, car je ne tiens pas à être un jour enterrée à côté de mécréants, morts comme des chiens.
Jean Richepin |
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