La jolie fille du faubourg

Chapitre IV.

Cinq ans plus tard

Laissons cinq années s'écouler après les événements que nous venons de vous conter. Alors nous serons en 1839, ce qui vous apprend que c'est en 1834 que nous vous faisions assister à une distribution de prix dans un pensionnat de demoiselles.

Entrons dans une belle maison du faubourg Saint-Honoré, et suivons ces dames élégantes, ces jeunes fashionables qui montent au premier étage et pénètrent dans un superbe appartement où les salons, meublés avec autant de richesse que de goût, sont alors resplendissants de lumières et de toilettes, où des femmes de tout âge semblent se disputer la palme de l'élégance, où des hommes qui ne sont plus jeunes se font remarquer encore par leurs bonnes manières et leur courtoisie, tandis que des jeunes gens, habillés à la dernière mode, jettent fréquemment les yeux du côté des glaces pour s'assurer si rien n'est dérangé dans l'harmonie de leur parure.

Nous sommes chez Mme de Pomponney, et c'est son jour de réception. Une fois par semaine elle réunit le soir chez elle une brillante société. Il y a des banquiers, des agents de change, des capitalistes; il y a aussi des artistes, des gens de lettres, mais dans ce genre on ne reçoit que des sommités; il faut avoir un nom, une réputation, pour être admis aux soirées de Mme de Pomponney.

On y joue, mais peu. On y fait de la musique; on y chante la dernière folie mise à la mode par Achard1 ou Levassor2. Quelque fois on danse, ou l'on fait une lecture. Le plus souvent une causerie gaie, moqueuse, souvent médisante, quelquefois spirituelle, mais toujours amusante, suffit à cette société. D'ailleurs la maîtresse de la maison est l'astre qui fait le jour et la nuit, l'orage ou le beau temps. Autour d'elle gravitent les autres planètes qui reçoivent son influence.

Vous devinez que Mme de Pomponney est une jeune et fort jolie femme, très-coquette, très-persuadée de son mérite. Il faut que partout elle règne, que les femmes lui cèdent la palme, que les hommes subissent ses lois et soient subjugués par un seul de ses regards.

Les hommes, en général, ne demandent pas mieux que de se laisser subjuguer par de beaux yeux et quelques mines coquettes; mais toutes les femmes ne sont pas d'humeur à céder à une autre le prix de la beauté, de la grâce, de l'esprit. Aussi dans le monde Mme de Pomponney rencontrait souvent des rivales, mais dans son salon elle s'arrangeait de manière à n'en point avoir.

Etc.

Paul de Kock
La jolie fille du faubourg
1840

1 - Pierre-Frédéric Achard (1808-1856) est un acteur français qui eut un certain succès pour des chansonnettes (Wikipédia).
2 - Pierre-Thomas Levassor (1808-1870) est un acteur et chanteur français.



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