Gustave ou le mauvais sujet

Chapitre VI.
Le Diable et la vache noire

C'est la nuit. Gustave est dans une ferme où il pense coucher. On l'a pris pour un voleur, un cosaque, maintenant il est le Diable. On a ameuté les villageois. Pendant ce temps, Gustave a faim.

Notre jeune héros monte l'escalier du fond, il grimpe deux étages, il écoute… il entend du bruit; il ouvre une porte qui n'était fermée qu'à peine; on pousse un cri… Gustave a reconnu la voix d'une femme; il avance… il trouve un lit… il tâtonne… il s'assure que quelqu'un est couché là… ce quelqu'un est une paysanne sans doute; mais cette paysanne a des appas fermes, des formes rondelettes, et elle se laisse tâter si complaisamment! — Ma foi! dit Gustave, je vais essayer de l'attendrir; peut-être obtiendrai-je ensuite qu'on me fasse une omelette.

On bat par méprise le père Lucas, Suzon, la fille de la maison, voulant sauter par la fenêtre se retrouve pendue par sa chemise les fesses à l'air, en allant chercher une échelle on libère une vache, qui n'est pas contente d'avoir été dérangée.

Les villageois se poussent, se pressent, se renversent et laissent tomber leurs flambeaux. La vache furieuse sort de la cour et va se promener dans le village. Suzon remonte et se met à califourchon sur sa fenêtre, flottant entre la crainte du diable et de la vache noire.

Les paysans ne voient plus clair, ce qui augmente leur terreur. Cependant la mère Lucas ranime leurs esprits, leur assure que la vache est partie, que le diable a probablement pris la fuite dans le corps de l'animal, et qu'il ne s'agit plus que de rétablir la paix dans la maison

Pour cela il faut commencer par y voir; et, pour se procurer de la lumière, on monte à la chambre de Marie-Jeanne, qui a un briquet et de l'amadou. C'est la mère Lucas, à la tête des moins poltrons, qui se décide à grimper à la mansarde.

On arrive devant la porte de Marie-Jeanne; on entend des plaintes, des soupirs, des gémissements étouffés. — Ah! morguenne, dit la mère Lucas, v'là le diable qui s'empare de Marie-Jeanne!

Les paysans n'osent pas ouvrir la porte; ils se serrent les uns contre les autres.

— Dis donc, Marie-Jeanne, crie la paysanne, est-ce que le diable est entré dans ta chambre?… — Oui… oui…, mais laissez-moi faire… j'saurai ben le combattre toute seule… — Prends garde qu'il n'entre dans ton corps… il prend toute sorte de formes; retiens ben ta respiration!… — Il est déjà entré trois fois, mais il ne reste pas!… J'savons ben le chasser... Tenez, c'est fini… le v'là qui sort…

Etc.

Paul de Kock
Gustave ou le mauvais sujet
1821



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