Milla


Chapitre 5

Jacques Déglin et Raoul de Kermadec sont deux jeunes français en voyage en Italie, où Jules vient soigner une déception amoureuse. Il y rencontre la belle et jeune Milla, fille d'un seigneur italien et d'une expatriée bretonne morte du mal du pays.

Cependant Milla s'abandonnait sans défiance aux entraînements de son coeur. Comment se serait-elle défiée? Elle ne savait rien du monde; elle avait grandi près de sa mère, dans une poétique ignorance, loin des sentiers battus de la réalité. Naïve comme un enfant, supersticieuse comme une Italienne, romanesque comme tous les esprits qui se sont développés dans la solitude, elle ne doutait pas que ce jeune homme qui lui était apparu, le soir même du jour où elle avait décidé qu'elle n'épouserait qu'un Français, et qu'elle irait vivre et mourir sous le coin de ciel qui avait éclairé le berceau de sa mère, elle ne doutait pas, dis-je, que ce voyageur, venu précisément du pays de Bretagne, ne lui eût été envoyé tout exprès par la Providence, et Milla remerciait le ciel qui, ayant bien voulu lui envoyer un époux selon ses rêves, c'est-à-dire français et breton, avait pris soin de le choisir jeune et beau comme elle. Ainsi qu'il arrive, à coup sûr, aux âmes virginales et richement douées, naturellement impatientes d'épandre le trop-plein de vie qui les oppresse, Milla s'absorba toute entière, sans réserve et sans restriction, dans le sentiment nouveau qui venait d'éclore en elle; et comme c'était une âme grave et réfléchie, autant qu'ardente et enthousiaste, il se trouva que ce sentiment qui s'épanouissait en grâces et en rêveries charmantes, jetait en même temps dans son sein de vives et profondes racines. Demeurée seule à la villa, elle repassa dans son coeur tout les détails de la journée qui venait de s'écouler, et la nuit elle se vit, en songe, sur la terrasse du château de Raoul, suspendue au bras de son jeune ami.

Etc.

Arsène Houssaye et Jules Sandeau
Milla
1843



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