Au banquet mensuel de la Pitance nationale, le poète Lynar vient de réciter Les Fous, poème dans lequel il énumère ces artistes - Baudelaire, Gérard de Nerval, Maupassant, Le poète, sans plus, changea de ton et, dans un poême hilare, célébra les vins joyeux et les femmes, cet enchantement des banquets d'hommes, et aussi le Soleil, dont il se déclarait le fils reconnaissant. « A la bonne heure, » dit le sénateur congestionné. Et, se tournant vers son voisin, cet homme d'État aux yeux bouffis, aux lèvres tombantes, et qui suait dans son alcool, proclama diverses vérités qu'il considérait comme essentielles: « La folie! la folie! c'est bon pour les épileptiques, les névrosés, et non pour des gens de sens rassis. Moi, tenez, je comprends très bien qu'on fasse la guerre à l'alcool du peuple, cet alcool qui vient en trombe de feu dans des organismes épuisés d'avance et qui les brûle; mais, nous, les bien nourris, les robustes, habitués au confortable dès l'enfance, est-ce que nous devenons alcooliques en buvant de l'alcool? Voyons! voyons! arguait-il d'une voix pâteuse, en s'efforçant d'élargir sur ses yeux noyés deux paupières lourdes comme des langues de plomb. Voyons! voyons! moi qui boit sec du bordeaux, du bourgogne, du champagne, et après mon café quelques bons petits verres d'une vieille fine, est-ce que je suis alcoolique? Mais je suis du Midi, moi!» Émile Goudeau |
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