Parisiennes

Je vous donne deux extraits du recueil, qui je pense illustrent bien la période montmartroise et moderniste de Champsaur.

Sous les toits

Lui s'éveille, elle ensuite. A travers les rideaux,
l'aurore vient baiser sa chevelure blonde.
La charmante s'étire, avec la bouche ronde,
et frotte ses yeux bleus comme un bleu pure des eaux.

Prestement elle vêt de gentils oripaux.
Riant au bon soleil qui de clarté l'inonde,
elle babille et suit son humeur vagabonde.
Tout à coup elle dit: «J'oubliais mes moineaux!»

Elle ouvre sa fenêtre aux oiselets qu'elle aime,
prépare de la mie. En l'air elle la sème,
tandis que, dans le lit, l'amant chante à mi-voix:

«Ma belle s'est levée et les fleurs sont écloses.
«Venez manger, pierrots, sur la caisse de bois
«pleine de liserons, dans ls clochettes roses...»

L'argent

Il prend son pauvre coeur, la journée au sommeil
s'inclinant, et s'en va pour l'offrir à sa belle.
La charmante écoutait, à l'abri de l'ombrelle,
en fixant l'horizon où coulait le soleil.

Des blessures du coeur, à flots, le sang vermeil
s'épandait. La mignonne, à présent infidèle,
repoussait son ami; mais il était fou d'elle
et des baisers d'hier implorait le réveil.

Le coeur perdait son sang, l'astre en feu sa lumière,
et, l'heure pour tout deux semblant l'heure dernière,
un train sifflait, au loin, par-desus les grands bois.

Elle lève sur lui ses yeux, où l'amour manque,
et dit avec raison, de sa très douce voix:
« - Enveloppe ton coeur dans un billet de banque!»


Félicien Champsaur
Parisiennes
1887



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