Hugues a quitté Soissons pour étudier la peinture à Paris. Il revient chez son oncle Noireau suite au décès de sa tante, mais n'est pas bien reçu. Toinon prévint Hugues de ces scènes qui se passaient chaque jour. Un matin, Hugues emporta son léger bagage d'artiste, sans même en prévenir son oncle. Hugues avait retrouvé quelques esquisses du Soissonnais d'après nature. Il les retoucha avec soin et les exposa chez l'unique libraire du pays, une dame Mauclaire, dont le fonds littéraire consistait en 200 volumes in-12 signés de Victor Ducange1, de Pigault-Lebrun2, de madame de Montolieu3, et autres romanciers du même temps. Ces paysages, que tous les Soissonnais connaissaient, obtinrent un immense succès. On parla beaucoup dans la ville du jeune peintre; quelques-uns dirent hautement qu'il ferait un jour la gloire du pays. Malgré tout, les acheteurs furent plus rares que les admirateurs, ce qui ne faisait pas le compte de Hugues. Il annonça qu'il peignait aussi le portrait. Les connaisseurs du pays secouèrent d'abord la tête en déclarant d'un air profond que jamais un paysagiste ne saurait peindre un portrait; mais Hugues, sans se décourager, exposa chez le libraire, à côté de ses paysages, le portrait d'un mendiant très-connu dans la ville. — En voyage, Triégler avait enseigné à son ami le moyen d'avoir de grands succès en province; il emportait le portrait-bête. — Le portrait-bête consiste dans une absence complète de couleur, de dessin; seulement, il est indsipensable de s'attacher au côté grossier de la ressemblance; il faut arriver à lutter avec les peintres vitriers et faire des trompe-l'oeil. Hugues réussit; les personnages les plus considérables de Soissons le prièrent de vouloir bien prendre séance aux heures et jour qui lui conviendraient. Etc. Champfleury 1 - Victor Ducange (1783-1833), romancier et auteur dramatique, surtout connu pour ses mélodrames, notamment Trente ans, ou la Vie d’un joueur. |
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