Madame Ricois est veuve et tient un magasin de bric-à-brac de la plus basse espèce "tout près de la rue Gît-le-Coeur, une des plus vieilles rues de Paris". Pendant les voyages de son mari, Madame Ricois se livrait à son aise à sa passion favorite; faut-il l'avouer! elle aimait les liqueurs douces. Un vieux bahut, dont on n'avait jamais trouvé la vente, gardait précieusement l'anisette, le ratafia, le curaçao, le marasquin. Madame Ricois n'avait qu'un confident ou plutôt un complice de sa passion, c'était Trompette. Un jour de printemps qui commence cette histoire, Trompette, qui n'était pas une curiosité à dédaigner en présence des curiosités de la boutique, entra mal éveillé en se détirant les jambes. Trompette est le petit chien chéri, l'enfant gâté de la maison, grognon, laid et d'une graisse monacale. C'est un chien comme – Ah! te voilà, gros loulou, dit-elle, tu t'éveilles bien tard. As-tu bien dormi? Allons, viens baiser maîtresse. Trompette, qui faisait une façon de toilette, ne répondit pas à cette aimable invitation. – Gros ingrat, c'est comme ça que vous reconnaissez mes bontés. Ah! il dort encore, le petit lâche. Voulez-vous venir tout de suite baiser maîtresse? Madame Ricois prit le chien délicatement, le posa dans son giron, et l'embrassa sur le museau en lui tapotant doucement le ventre. – Ah! mon petit sien, je vois bien ce que vous voulez, vous demandez votre café au lait, gros gourmand, on va vous le servir. Encore un bécot? Le bécot pris plutôt que donné, elle avança une jatte de café au lait à Trompette, qui se mit gravement à remplir l'importante fonction de déjeuner. Etc. Champfleury |
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