Confessions de Sylvius : la bohème amoureuse

Madame André
I
Amours de portière

Sylvius arrive à Paris où il étudie la peinture, ayant quitté sa province après un premier amour malheureux.

...

Il y avait trois semaines que Sylvius était allé installer sa misère joyeuse et ses meubles meublants dans le quartier Vaugirard. Pour peu d'argent, il avait trouvé un appartement composé de deux mansardes, où l'on avait toute la peine du monde à demeurer debout. A part ce léger défaut, blanches, gaies, petit papier à fleurs, croisées à tabatières, pas de cheminée, le plus charmant logement du monde. Une vraie mansarde de poëte. - Quelque chose de très-rare aujourd'hui, où il y a tant de poëtes et si peu de mansardes. - Comme Sylvius avait bonne mine, on lui avait loué sans aller aux renseignements. La voiture de déménagement arriva le 8 au soir ; ce fut un coup de foudre pour la portière. Une impression d'emménagement qui se traduit par ces mots : «Un locataire qui ne payera pas».

En effet, la voiture, - c'était une voiture à bras - avait un aspect triste, bohème, poussiéreux et misérable qui rappelait la gravure du Convoi du pauvre, - un corbillard suivi par un chien. - On y voyait :

Un fauteuil Louis XV en tapisserie,

Une cruche à eau,

Un lit de sangle et deux chaises dépaillées,

Des paquets de livres,

Une table d'âge,

Un matelas à laine dubitative,

Une tête de mort au bout d'un balai,

Et bien encore quelques autres objets, mais dits de curiosité, et qui ne suffisaient pas à compléter un mobilier. Sylvius suivait la charrette avec deux de ses amis, veillant à ce que rien ne se perdît. Le soir, Sylvius accrochant la clef dans la loge, la portière lui dit :

- Vous êtes seul, monsieur ?

Ce à quoi il répondit que oui, ne comprenant rien à cette question.

La demande était bien naturelle. La portière voulait savoir par là si quelqu'un faisait le ménage du nouveau locataire.

Etc...

Champfleury
Confessions de Sylvius : la bohème amoureuse
1857



Retour à Champfleury
Vers la page d'accueil