Poèmes de Chine

Printemps

XVII
Dans le murier

À Félix Régamey1

Quelle souplesse, quelle grâce,
Quand la belle, au coeur innocent,
Cueille, sur la route où l'on passe,
Les feuilles du mûrier luisant!

Sous ses doigts, les feuilles qui tremblent
Font un bruit d'oiseaux envolés;
D'elles-mêmes, les feuilles semblent
Venir sur ses doigts effilés.

On voit dans l'arbre sa main blanche;
Sa manche est retroussée un peu:
Un bracelet d'or, sous sa manche,
Miroite aux clartés du ciel bleu.

L'air joue en sa robe de soie,
Dont flottent les plis radieux:
Tels les nuages, plein de joie,
Sur lesquels voyagent les dieux!

Tenez! le cavalier superbe,
Pour la mieux voir, suspend ses pas;
Et le piéton, assis dans l'herbe,
Laisse là son frugal repas.

Émile Blémont
Poèmes de Chine
1887

1 - Félix Régamey (1844-1907), peintre, dessinateur et caricaturiste français, ami de Verlaine et Rimbaud, qui a voyagé et illustré le Japon avec Émile Guimet




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