Bergerat nous entraîne dans la bohème des Ternes, les Place-aux-Jeunes, avant de nous raconter l'histoire de son Faublas. Raconter par quel enchaînement de hasards propices s'étaient rencontrés et aimés les divers jeunes gens groupés, autour d'une table de gargote, ce serait vouloir remonter les courants occultes de la destinée! Qui dira de quelles rives du ciel viennent les moineaux francs que l'aurore rassemble sur la margelle d'une fontaine publique? (Cette pensée est de Brianton pour l'idée mère et de Mézouard pour le style.) L'heure des repas sonne à toutes les horloges et quelquefois aussi aux coucous des artistes. De là vient que l'on dîne, et parfois en commun. Les festins populaires de Lacédémone et les bouillons Duval ont la même origine philosophique. De longues amitiés sont nées d'un voisinage à la crèmerie, de l'échange d'une salière ou d'une méprise de couvre-chefs. La jeunesse, l'esprit, la santé et la pauvreté cimentent ces commerces sincères pendant les années de sincérité; puis la vie arrive, avec ses vérités conventionnelles, qui désagrège les associations, s'empare de l'homme seul et l'absorbe selon sa valeur individuelle. Les scissions se forment, les fossés se creusent, et chacun va où il devait aller! Telle est la loi sociale! Elle est très triste, très bête au fond, mais qu'y faire? Les plus heureux sont ceux qui se souviennent, les plus sages sont ceux qui rient toujours. Amen. Émile Bergerat |
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