J'en demande humblement pardon au magnanime saint Hubert, patron des cynégètes, mais j'incline de plus en plus à ne voir dans le chasseur que l'être godiche signalé par les caricatures. Rien n'égale en drôlerie absurde les profils, coupes et élévations du monsieur vêtu de velours olive, guêtré de cuir ocreux, et pressant le tube sonore, qui, entre deux clôtures, surgit, fond sur un lapin et lui flanque, avec des détonations épouvantables, trente grammes de petit plomb dans son pauvre derrière. Cet aveugle armé, dirigé par un chien sans sébile, mais savant, à travers les jachères, où tricotent les vachères, ma chère, est la conception la plus grotesque d'une démocratie qui s'embête et qui a peur de l'automne. Le cynégète est le bouffon des bocages sans mystère dont parle Millanvoye, le pître bourgeois de la saison mélancolique et tuberculeuse, l'impayable mohican d'un pays où la propriété est tellement morcelée qu'on y compte ses villages par ses kilomètres, que les vergers n'y laissent de place qu'aux aspergières et les aspergières qu'aux grandes routes départementales! C'est au point que si les compères Guilleri observaient strictement les prescriptions de leurs permis de chasse qui leur interdisent de tirer à moins de trois cents mètres des lieux habités, jamais on n'entendrait un coup de fusil dans nos campagnes. Il n'y a plus de chasse possible en France depuis Louis le Gros et l'affranchissement des communes. Etc. Émile Bergerat |
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