Dans le chapitre sur Petrus Borel, Asselineau nous présente les Bousingots. Petrus Borel marque une phase, ou plutôt une déviation du Romantisme, produite par l'invasion de la politique dans la littérature, après la révolution de Juillet1. Cette phase a eu son symbole, son type, le Bousingo (ou Bousingot), que l'on retrouve fréquemment dans les lithographies du temps, avec son gilet à la Robespierre, sa grosse canne, sa longue barbe et ses longs cheveux, coiffé tantôt de la casquette rouge à chaînette, tantôt du chapeau ciré. Le Bousingot transporta dans la vie politique le style et les allures de l'école Romantique. Ce fut une variété du genre Jeune-France, mais aussi rude, aussi cynique que les autres étaient dandies et raffinées. En véritable artiste il trouva tout de suite et avec génie la plastique de son idée. La passion de la couleur et de la localité avait poussé les écrivains romantiques vers le luxe et l'éclat. Le Bousingot plongea dans la crapule et affecta les habitudes populacières. Il opposa le brûle-gueule et le petit bleu aux narguilehs et aux hanaps. Des mêmes fusées, des mêmes soleils de métaphores qui se tiraient ailleurs en l'honneur des marchesines et des cathédrales, il fit des cartouches pour tirer sur le roi et sur les sergents de ville; mais c'était bien au fond le même procédé et la même poétique. Romantiques et bousingot se rattachaient d'ailleurs par un point commun: la haine du bourgeois et l'horreur de la platitude. Puis dans le chapitre sur Philothée O'Neddy, il ajoute: L'auteur de Feu et Flamme appartient au romantisme bousingot. Pétrus Borel, le chef de l'école, le nomme parmi les membres de sa camaraderie, Alphonse Brot2, Auguste Mac-Keat3, Napoléon Thomas4, Vigneron5, Joseph Bouchardy6 (graveur au coeur de salpêtre), Théophile Gautier, Gérard7, etc., etc. … Le Bousingotisme ne fut qu'une diversion du Romantisme. L'amour des jeunes têtes d'alors allait tout à la poésie et à l'art. La révolution de juillet les força de penser à la politique; elles refirent la politique à leur image et voulurent parler romantique à propos du roi et des chambres. Après juillet d'ailleurs la jeunesse littéraire retrouvait au pouvoir son éternel ennemi, le bourgeois; le bourgeois pair de France, député et officier de la garde nationale et plus que jamais voltairien, classique, ami de la tragédie. Parmi les pairs et les députés nouveaux se retrouvaient la plupart des signataires de la fameuse pétition au roi contre Hernani. Tout le reste, c'était la masse triomphante de ce parti myope, louche, sourd, cagneux et ladre, juste comme les balances d'un épicier, modéré comme l'impuissance, ennemi de toute exaltation et de toute grandeur, ignorant tout et ne comprenant rien, ne voulant rien apprendre ni rien comprendre, et par-dessus tout fier de son ignorance et de sa sottise; fanfaron de liberté dans les temps de calme, fanfaron d'autorité au jour de péril, préparant les révolutions pour les combattre, et qui s'est décoré lui-même d'une appellation équivoque et louche comme lui-même: le centre gauche. — Entre les romantiques et ces gens-là, c'était, au lendemain de juillet, la même guerre qui continuait sur un autre terrain, et ils se firent adversaires politiques, parce que leur éternel ennemi était devenu Pouvoir… … On sait ce que durèrent les modes de déclamations furibondes, de malédictions artistiques et de toilettes cyniques arborées comme un défi au bourgeois! Petrus Borel tira de ces théories un système qu'il appela Lycanthropie. Celui-là peut-être était le seul sincère. Où sont-ils aujourd'hui les cousins du poignard, les fidèles de la confrérie du Bousingot? Cherchez Auguste Mac-Keat dans M. Auguste Maquet, Alphonse Brot dans ses romans lunaires, et Bouchardy au coeur de salpêtre dans les mélodrames de la Gaîté! Ils valaient mieux dans leur bon temps!
Charles Asselineau 1 - En 1830 cette révolution mit Louis-Philippe, qu'on surnommera le |
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