Poésies posthumes

Petite anthologie du Salon

Le Manchon de Francine

Pauvre fillette de bohème
Dont s'incline le front blêmi
Aux pages sombres du poème
Qu'éclairent Musette et Mimi!

Quelle princesse de ballade
Aurait ta grâce à sommeiller
Dans ce grand fauteuil de malade,
Plus blanche que ton oreiller,

Et parmi les tiédeurs moelleuses
Du manchon neuf que tu voulus,
Plongeant ces menottes frileuses
Que rien ne réchauffera plus?

- On a tant lassé nos oreilles,
Tant abusé de nos pitiés,
Que le public sur tes pareilles
Ne s'attendrit plus volontiers:

Mais toi, ton histoire est si brève!
Et puis quelle sévérité
Tiendrait contre l'effroi qui rêve
Au fond de ton oeil dilaté?

Sur ta fin, petite Francine,
Pleurent, distraits de temps en temps
Du droit ou de la médecine,
Encor bien des yeux de vingt ans;

Et ton souvenir, qui se grave
En nous, fait vivre, doux et cher
Même à la jeunesse plus grave,
Le nom aimable de Murger.



Léon Valade
Poésies posthumes
1890




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