Scholl traite ici de son travail de chroniqueur, et plus particulièrement il dénonce ses collègues qui plaignent leur sort, nous annonçant que ... Sans doute, le métier de romancier offre plus de calme et plus de séduction que celui de journaliste. Tout homme qui voit son nom sur le dos d'un livre est bien près de prendre cette brochure pour une dalle du Panthéon. Mais quoi! cette illusion ne vaut pas mieux que l'autre. Il y a eu à toutes les époques des gens qui s'imaginaient travailler pour la postérité. Ce ne sont pas ceux-là qui sont restés. Scudéry1 serait fort étonné, s'il revenait faire un tour dans Paris, de ne trouver aucun de ses ouvrages dans la vitrine des libraires. Quand la France entière attendait le Solitaire et le Brasseur-roi, du vicomte d'Arlincourt2, ce romancier se croyait immortel. Les d'Arlincourt et les Scudéry pullulent autour de nous; il en restera d'eux comme de leurs devanciers. Que nous est-il resté, comme roman, depuis l'antiquité jusqu'à nos jours? Daphnis et Chloé, l'Amour et Psyché, Manon Lescaut, Paul et Virginie, c'est tout. Je n'ai pas à parler des Contes de Voltaire, qui appartiennent à la satire et non au roman, (sic) Un jeune écrivain — de ceux qui travaillent et qui ont de la valeur — m'avouait hier que sa génération n'a pas lu George Sand! Et de fait, on ne peut pas tout lire. Les sujets passent de mode, le style qu'on trouvait majestueux devient ridicule. Puis, on va difficilement à la postérité avec un gros bagage. L'abbé Prévost a fait cent volumes; on a gardé de lui une plaquette. Et c'est un heureux homme. Tous les romans seront dès longtemps en poussière, les noms de leurs auteurs plus oubliés que des serments de députés, que l'on citera encore un vers de La Fontaine et un mot de Rivarol!
Aurélien Scholl 1 - Georges de Scudéry (1601-1667), frère de Madeleine "Mademoiselle" de Scudéry (1607-1701). |
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