Eugène Gardel, jeune peintre, vient de rentrer à Paris d'un long séjour de travail à Pont-Aven. Il se rend au café Henry, estaminet du Quartier-Latin, où il rencontre habituellement ses amis. … Dans ce restaurant tout petit et très simple se réunissaient des artistes, de jeunes écrivains et des étudiants d'allure paisible et littéraire. Restaurant et habitués montraient à première vue comme un dédain du clinquant de la mode; ce coin paisible ressemblait aussi peu aux cafés brillants et tapageurs du boulevard Saint-Michel que ses habitués aux étudiants gandins de là-bas. Divisés en trois ou quatre groupes tranquilles, les habitués du restaurant fusionnaient à table et se séparaient presque immédiatement après le repas, sauf le jour où un événement politique ou littéraire, une question d'art ou de théâtre, une polémique retentissante, faisaient naître une discussion générale. Alors les groupes se rapprochaient et s'échauffaient, le dîner durait jusqu'à des heures indues, on se chamaillait, on criait, on s'interpellait et enfin, et surtout, on riait plus fort, plus haut et plus longtemps. Gardel fut surpris en entrant. Il arrivait en retard, il est vrai, mais il n'était guère plus de sept heures et demi, c'est-à-dire l'heure où le dîner battait son plein et les tables du café Henry n'étaient pas toutes garnies, Il manquait quelques groupes des dîneurs habituels. Son groupe à lui, le groupe abandonné depuis six mois, était absent tout entier. Avait-il donc abandonné le café Henry? Cependant la dernière lettre d'un camarade reçue quinze jours auparavant n'avait pas soufflé mot d'un événement aussi grave. Gardel fut bientôt fixé. — Ah! un revenant, s'écrièrent les habitués des autres groupes, bonjour, Gardel. Trop tard, mon vieux, les amis ont filé! Etc. Albert Robida |
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