M. Dumollet a décidé de visiter sa fiancée à St-Malo. Cependant, ayant une peur bleue des accidents, il choisit de s'y rendre à dos d'âne. ... Et l'infortuné Dumollet resta trois jours au lit sans bouger et sans manger. Sans bouger, ce n'était rien, c'était facile, cela le reposait délicieusement de ses deux journées de voyage si horriblement mouvementées, mais sans manger était plus dur! Car en dépit des prévisions du docteur, l'appétit lui était venu comme à l'ordinaire, le soir de son accident, et ne l'avait pas quitté depuis. Cet appétit se trouvait surexcité du matin au soir par l'odeur agréable et savoureuse qui montait toute la journée des cuisines de l'hôtel du Cheval-Rouge, apportant avec elle des visions de gigots et de canards embrochés tournant devant les flambées de la grande cheminée, de poulets rôtissant sur les fourneaux, de soupes délectables bouillant à grand fracas dans les marmites de fonte. Le pauvre Dumollet maigrissait à vue d'oeil et la grosse servante qui lui apportait de l'eau panée, ne s'aventurait plus qu'avec inquiétude dans sa chambre de crainte d'être dévorée. Deux fois par jour, le passage des diligences remplissait l'auberge de tapage et de mouvement. On relayait au Cheval-Rouge; les senteurs culinaires montaient de plus belle à ces heures là et Dumollet, plus malheureux que jamais, croyait entendre le bruit des mâchoires et des fourchettes fonctionnant devant la nappe de la grande table d'hôte. Etc. Albert Robida |
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