Fil de fer

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Chapitre où la marquise Antoinette Renée Philomène Angélique de Saint-Scolopendre de Tirlapapan-Ribbon-Ribette est dépeinte sous tous ses avantages.

Voici madame la mère de Fil de fer: tout un personnage!

Pour Madame de Saint-Scolopendre c'est bien autre chose, ah! dieux!

Elle, Elle a les préjugés de la Race et de la Tradition poussés à l'épilepsie.

Le plus drôle, c'est que son ascendance est peut-être encore plus problématique que celle de son associé.

N'empêche.

A l'entendre, Elle est le dernier maillon d'une longue chaine de maréchaux, d'amiraux, de mestre de camps, de haults et puissants personnages qui se sont couverts de gloire, et auprès de laquelle la parenté tout entière des Valois elle-même, fût-elle archi-authentique, constitue une bibine sans grandeur.

Quand on la pousse un peu là-dessus, Elle patauge et déclame. Ça ne fait rien: Elle n'en affirme que de plus belle sa source brillante, et bien malin serait celui qui l'obligerait à convenir qu'elle invente à tours de bras et déraille tout le long du jour.

Imperturbable la Marquise de Tirlapapan-Ribbon-Ribette, continue à chanter, à tous venants, sa dynastie et les mérites d'icelle.

Les Saint-Scolopendre, entés sur les Tirlapapan-Ribbon-Ribette, n'y touchez pas!

Leur sang généreux coule dans les veines de leur fille. Qu'on la remarque plutôt: tout, tout en Elle dénote la pureté d'origine, la noblesse et les croisades.

Les Saint-Scolopendre? Illustres bougres. Qu'on y prenne garde!

N'ont-ils pas pour blason un Lion posant sa patte sur une fleur de Lys, tandis qu'une Bergère enchaîne le fauve avec une guirlande de fleurs?

Qu'est-ce que ça signifie? Traduisez ça en langue héraldique. Impossible, mais ça paraît fort joli à l'héritière de tant de gloires qui s'en gargarise.

Il est probable, d'ailleurs, que ces armes sont sorties toutes forgées de son imagination luxueuse, déterminée à s'ennoblir à n'importe quel prix.

Cependant, Elle est véritablement nièce d'un Amiral qui fut Pair de France, mais c'est tout. A partir de là, Elle brode et divague.

Son père était « Garde du Corps sous Charles X » et se battait en duel, tout le temps et « pour des prunes ». Voilà-t-il pas la belle affaire!

Etc.

Jehan Rictus
Fil de fer
1906



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