Madame Olympe

I

Madame Olympe, une dame de la noblesse, est riche, libertine et méchante, mais elle est aussi vieille. Elle a décidé de soumettre à sa fantaisie un jeune homme. Elle se prépare à l’aller rencontrer.

Et madame Olympe commença sa toilette avec une adresse et un soin qui attestaient une longue pratique. Elle mit d’abord en usage une foule de substances chimiques, étiquetées de noms bizarres; elle rangea dans un ordre pour ainsi dire hiérarchique une douzaine de flacons pleins de liqueurs puisées aux fontaines de Jouvence de l’industrie. Elle sortit d’un tiroir doublement fermé une multitude d’instruments connus seulement des femmes qui s’obstinent à reculer les limites où le temps les a poussées, et veulent, à l’exemple de certaines actrices, perpétuer un rôle de jeune première, quand leur acte de naissance est devenu depuis longtemps un brevet de mère noble.

Quand elle eut tout préparé, tout mis à portée de sa main, madame Olympe commença cette difficile opération qui lui prenait quotidiennement une matinée; à l’aide de parfums, d’eaux lustrales, de fards, de pommades, elle effaça progressivement la date injurieuse inscrite à son front. Une à une elle combla les rides qui donnaient à son visage l’aspect d’une peinture dont le temps a fait craqueler le vernis. Un à un elle arracha les fils d’argent assez nombreux pour faire une insolente antithèse avec l’ébène de sa chevelure, qui, de rare qu’elle était, devint subitement, et par d’ingénieuses additions, volumineuse au point de lutter avec les opulentes tresses qui descendent comme un manteau d’or sur les épaules splendides de la maîtresse de Titien. Poursuivant ce travail qui rentrait absolument dans le domaine de l’art, elle employa tout son arsenal de subterfuges, et se décida même, tant la circonstance était grave, à recourir à des moyens extrêmes, énergiquement repoussés par l’hygiène.

Cependant, de même qu’un sculpteur adoucit avec l’ébauchoir les contours de sa figure, et en polit l’épiderme sous les caresses de la gradine, de même madame Olympe après ces préparatifs se crut arrivée à un degré d’exécution assez complet: car elle s’en témoigna sa satisfaction par un sourire qui lui renvoya son miroir, qui, en devenant son complice, commençait à remplacer les épigrammes par des madrigaux.

Etc...

Henry Murger
Madame Olympe
1860



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