|
Un garçon venait de se pendre
Dans la forêt de Saint-Germain,
Pour une fillette au coeur tendre,
Dont on lui refusait la main.
Un passant, le coeur plein d'alarmes,
En voyant qu'il soufflait encor,
Dit: « Allons chercher les gendarmes,
Peut-être bien qu'il n'est pas mort! »
Le brigadier, sans perdre haleine,
Enfourcha son grand cheval blanc.
Arrivé chez le capitaine,
Il conta la chose en tremblant:
« Un jeune homme vient de se pendre,
A son âge, quel triste sort!
Faut-il qu'on aille le dépendre?
Peut-être bien qu'il n'est pas mort! »
L'officier, frisant sa moustache,
Se redresse et répond soudain:
« Vraiment, c'est une noble tâche
Que de soulager son prochain;
Cependant, je n'y puis rien faire,
Ça n'est pas de notre ressort.
Courez donc chez le commissaire,
Le pendu vit peut-être encor! »
Le commissaire sur la place
Descendit, c'était son devoir.
D'un coup d'oeil embrassant l'espace,
Il cria de tout son pouvoir:
« Un jeune homme vient de se pendre.
Villageois, debout, courez fort,
Emportons de quoi le dépendre,
Peut-être bien qu'il n'est pas mort! »
Vers le bois on arrive en troupe,
On s'arrête en soufflant un peu,
On saisit la corde, on la coupe.
Le cadavre était déjà bleu!
Sur l'herbe foulée on le couche.
Un vieux s'approche et dit: «D'abord
Soufflez-lui de l'air dans la bouche,
C'est pas possible qu'il soit mort! »
Les amis pensaient: « Est-ce drôle
De se faire périr ainsi! »
La fillette comme une folle,
Criait: « Je veux mourir aussi! »
Mais les parents, miséricorde,
Disaient en guise d'oraison:
« Partageons-nous toujours la corde,
C'est du bonheur pour la maison! »
| |