Le dix-neuvième siècle a été l’âge d’or des falsifications alimentaires. Karr nous parle des vins et des alcools. J’ai vu ce matin un homme fort intelligent qui m’a raconté des choses terribles. — Monsieur, m’a-t-il dit, la réputation des vins de France est compromise; elle sera bientôt perdue si la législation ne lui vient pas en aide. On remplace dans les cultures les bonnes vignes par des vignes médiocres, mais plus productives; on cultive la vigne en plaine; le raisin y est mauvais mais abondant. « Les vins de la côte du Rhône vont partout en aide aux fabrications. « Les vins de Narbonne, de Nantes, d’Angoulême vont, en compagnie des plus mauvais vins d’Espagne, à Bordeaux pour y recevoir de divers parrains — le nom du Médoc — et se répandre ensuite sur la surface de la terre. « Tous les vins blancs s’appellent chablis; des vins fabriqués à Marseille et à Cette font un voyage en Espagne, y prennent des lettres de naturalisation et reviennent sous les noms de madère et d’alicante; on envoie du trois-six à Fougerolles, il en revient sous le nom de kirschwasser. « Des alcools fabriqués en Amérique vont, avec ceux du nord, joindre leurs noms dans les chaudières du Languedoc et de Cognac pour inonder ensuite le monde sous des noms usurpés. « Sauf quelques ceps plantés récemment dans la plaine de Sillery, Sillery ne produit pas de vin; cependant la généralité des vins mousseux est vendu sous le nom de sillery. — Monsieur, repris-je, ne pourrait-on étendre à nos bons vins de France la nouvelle loi sur l’usurpation des noms et des titres de noblesse? Mais êtes-vous bien certain de ces fraudes?
Nous lirons la brochure. Alphonse Karr |
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