Le Fer rouge

Valets



On n' a pas eu besoin de les chasser. D'eux-mêmes
Ils se sont esquivés, furtifs, grotesques, blêmes,
La main à leur derrière ainsi qu'un bouclier,
Perdant, l'un son toupet, l'autre son râtelier.
Dégringolant, soufflant, suant à grosses gouttes,
Ils se sont culbutés le long des grandes routes,
À défaut du remords poursuivis par la peur,
Regardant derrière eux parfois avec stupeur,
Effrayés de leur ombre... ô jocrisses, bobêches,
À tout fier sentiment jusqu'à la fin revêches!
Parce que vous avez été vils, vous croyez,
Ô hiboux! par l'éclat du grand jour foudroyés,
Qu'on sera comme vous, vils, abjects et féroces!
Tremblez moins. Modérez le galop de vos rosses.
Oui, vous avez été des chacals, vous avez
Du sang noir de décembre à vos doigts mal lavés;
Vous disiez: feu! Vos mains dressaient les guillotines;
Vous avez rédigé les listes clandestines
Qui vouaient à l'exil nos plus purs citoyens;
Rien ne vous arrêtait alors; tous les moyens
Étaient bons, qui pouvaient arracher un sourire
Au louche fondateur de ce hideux empire
Qui vous croule à présent sur le dos, et jugeant
Les autres d'après vous, en ce péril urgent,
Vous croyez entrevoir de fauves représailles.
Vous cherchez les terriers, les caves, les broussailles,
Les trous à rats, vermine impériale. Allons,
Rassurez-vous. Tournez moins vite les talons...
La République, enfant des ardentes fournaises,
Laisse à d'autres le soin d'écraser les punaises.

8 septembre

Albert Glatigny
Le Fer rouge (1871)





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