Dans sa préface, Gaboriau nous dit que ... Vainement le sire et la dame de Laval essayaient de se perdre dans la foule, vainement ils se réfugiaient dans les salles les plus éloignées, François Ier, bien servi par ses familiers, finissait toujours par découvrir la retraite de la comtesse et bientôt il était auprès d'elle. Chaque jour d'ailleurs elle recevait quelque présent du roi. C'était un collier d'or, une parure de perles, un bracelet délicatement ouvragé. Gages d'amant que le comte eût voulu renvoyer à celui qui les offrait, et qui soulevaient en son coeur d'horribles désirs de vengeance. Pour comble d'infortune, le comte s'aperçut bientôt que sa femme n'avait pu voir, sans en être touchée, le roi de France à ses pieds. Jour par jour, pour ainsi dire, il put suivre les progrès de cet amour. La comtesse résistait encore, mais tôt ou tard elle devait succomber. Le sire de Laval ne voulut pas être témoin de son malheur. Sa femme venait d'être nommée dame d'honneur de la reine, et cette charge désormais l'attachait à la cour. Mais rien ne l'y retenait, lui; aussi se décida-t-il à partir. Il courut cacher au fond de son castel de Bretagne, ce muet témoin des jours heureux, sa honte et son désespoir. Sa femme essaya faiblement de le retenir. — Allez-vous donc, messire, lui dit-elle, m'abandonner ainsi seule, au milieu des fêtes de la cour?
Et il partit, maudissant le roi de France et sa femme. C'en était fait, la noble fille de Phébus de Foix était la maîtresse déclarée de François Ier. Ce ne fut pas sans résistance et sans remords que la belle comtesse se donna à son royal amant. Elle se sentait glacée, au souvenir de son époux outragé, ses dernières paroles retentissaient menaçantes à son oreille. Souvent, lors de ses premières entrevues avec le roi, elle tressaillait au moindre bruit, et toute frissonnante elle disait: — N'avez-vous rien entendu, Sire, j'ai cru reconnaître les pas du sire de Laval. Ah! quelque jour il voudra me ramener avec lui au château de Combourg.
Les douces paroles du roi rassuraient la comtesse. Bientôt elle n'eut plus le loisir de songer à sa faute. Son amant l'avait entourée d'un luxe vraiment royal, et tous les courtisans, tous ceux qui aspiraient aux bonnes grâces du roi étaient à ses pieds. Enivrée d'amour, elle se laissait aller au tourbillon des plaisirs de cette cour licencieuse et folle. Etc. De quel document historique Gaboriau tire-t-il les dialogues qu'il nous présente? Dans quelle source historiographique a-t-il trouvé les pensées secrètes et les états d'âme de ses personnages? Car ce sont bel et bien des personnages. Émile Gaboriau |
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