Maximilien Heller

Chapitre premier
Un étrange malade

Écoutons Maximilien Heller se présenter.

...

« Ne croyez pas, cependant, reprit-il enfin, que j’aie de la haine pour l’humanité... Mon Dieu, non! Mais je trouve les hommes inutiles. Je me passe de leur esprit, de leurs travaux, de leur génie... Oui, ces quelques tisons que vous voyez là, dans l’âtre, le murmure de ma bouillotte et le ronron de mon chat m’ont inspiré des vers mille fois plus beaux que ceux de vos grands poètes, des pensées mille fois plus ingénieuses que celles de vos moralistes, des réflexions plus profondes et plus élevées à la fois que celles des plus illustres prédicateurs. Pourquoi donc alors lirais-je les œuvres des hommes? Pourquoi écouterais-je leurs discours, qui ne vaudront jamais ceux que j’entends en moi?... Aussi, depuis longtemps, toute ma vie se passe dans cette chambre, dans ce fauteuil... et je pense, je pense toujours. C’est un travail incessant. J’ai là, continua-t-il en posant un doigt sur son front, j’ai là des traités d’économie politique qui pourraient régénérer votre société ruinée et abâtardie...

« J’ai des systèmes de philosophie qui réunissent en un seul tableau toutes les connaissances humaines et les étendent en les affranchissant des entraves où les retient la routine de vos professeurs! J’ai des plans de maisons plus confortables que celle que vous habitez; des projets d’agriculture qui pourraient transformer la France en un immense jardin dont chaque habitant aurait sa part productive; j’ai des codes où l’équité et le bon droit ont toute la place qui leur manque dans les vôtres. Mais à quoi bon livrer tout cela au grand jour? Les hommes en deviendront-ils meilleurs? Que m’importe! Et serais-je soulagé? Non. Voyez ces mille manuscrits qui remplissent ma mansarde; ils sont sortis de là... et je souffre toujours autant. »

Etc.

Henry Cauvain
Maximilien Heller
1871



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