Nous sommes en 188… Mademoiselle Cloque, vieille dame dévote, qui a le culte de Chateaubriand et qui rêve de faire reconstruire une basilique à Saint-Martin, vit à Tours… Mlle Cloque habitait une petite maison de la rue de la Bourde, derrière les Halles et les ruines de l'église Saint-Clément qui tenaient encore debout à cette époque. La rue de la Bourde n'était qu'un passage assez étroit allant des Marchés couverts à une caserne de chasseurs à pied; elle formait un boyau sombre et tortueux entre de très hauts murs de jardins ou de pauvres logements. iI y avait en face de chez Mlle Cloque un savetier que l'on voyait travailler à toute heure derrière sa rangée de chaussures ressemelées, sans que l'on pût savoir à quel moment ce diable d'homme prenait ses repas ou se reposait. Un peu plus bas, et enclavé, pour des raisons inconnues, dans ce quartier quasi indigent, se trouvait un assez bel hôtel particulier appartenant à M. le marquis d'Aubrebie, petit vieillard assez spirituel et dont la femme était folle. M. d'Aubrebie et sa voisine Mlle Cloque ne s'entendaient sur aucun point, mais se voyaient assidûment. Il ne se passait guère une journée sans qu'on pût les apercevoir de la rue, l'un en face de l'autre, à une petite table de jeu où ils faisaient régulièrement et successivement deux parties de besigues et une partie de dames ou deux, selon que la marquise, qui ne quittait point son hôtel, agitait un mouchoir à sa fenêtre, ou consentait à rester tranquille. Etc. René Boylesve |
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