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« Je m'appelle Gaspard. mais, par les dieux modernes!
Par la queue à Zola, par l'omnibus des Ternes,
Par le levain qui fait fermenter nos cerveaux,
Par la charcuterie et les romans nouveaux,
Ça me navre d'avoir un nom si romantique.
D'ailleurs, je ne suis pas d'apparence gothique.
Je suis fort bien en chair, et (modestie à part)
Je n'ai d'autre défaut que mon nom de Gaspard.
Je bâfre comme quatre et pinte comme douze;
J'ai su porter le frac, la capote et la blouse,
Et, dans tous les états qu'on me voit embrasser,
Je trouve de quoi frire et de quoi fricasser.
Pour me peindre d'un mot, il suffira de dire
Que je n'ai jamais eu mal aux dents. Je m'admire
Quand par le vent, la pluie ou la chaleur d'été,
Je me dandine sur les quais. En vérité!
J'ai sabré bien des jours de deuil et de famine
A discuter avec mon ombre; je chemine
Toujours du même pas que ce vieux compagnon,
Et quand, par grand hasard, je dîne chez Bignon,
Je le mène avec moi. — Mais assez de sornettes;
J'ai voulu m'enrichir par les moyens honnêtes,
Et, dois-je l'avouer? je n'ai pas réussi.
Quant au sale métier d'homme d'État, merci!
Je ne peux vivre en si mauvaise compagnie.
Etc.
Maurice Bouchor Contes parisiens en vers 1880 |
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