Les écrivains belges francophones
au dix-neuvième siècle




La littérature belge n'est pas française. Outre qu'elle soit d'un autre pays que la France, elle est de deux langues, dont une est le flamand, mais nous ne nous intéresserons ici qu'aux écrivains francophones. Néanmoins on verra facilement au dix-neuvième siècle une relation entre les écrivains francophones de Belgique et leurs cousins français. Plusieurs belges contribueront de façon décisive au mouvement symboliste et d'autres seront naturalistes. Ensuite plusieurs feront carrière en France ou y entretiendront des relations littéraires pour lesquelles les frontières n'existaient pas.

Si il y a bien entendu eu des écrivains en Belgique depuis le Moyen-Âge, la littérature belge a commencé après la création de la Belgique telle que nous la connaissons en 1830. Il semble que le premier écrivain que nous pouvons étiqueter de "belge" soit le poète et historien André Van Hasselt (1806-1874). Le premier écrivain belge de renom est probablement Charles de Coster (1827-1879).

De Coster a étudié à l'université libre de Bruxelles. Franc-maçon, anti-clérical et membre fondateur du cercle littéraire Les Joyeux, il a participé au journal Uylenspiegel1 où il a publié l'oeuvre qui le rendra célèbre: La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867). Wikipédia nous dit que, bien qu'il ait connu un certain succès au début de sa carrière, son oeuvre a dû attendre la génération de La Jeune Belgique, celle de Camille Lemonnier, de Georges Eekhoud.

La Jeune Belgique est une revue consacrée à l'art et à la littérature ayant paru à Bruxelles de 1881 à 1897. Elle a été fondée par les poètes Iwan Gilkin2, Max Waller3, Valère Gille4 et Albert Giraud5. Y contribueront la majorité des écrivains belges de l'époque. On y retrouvera Camille Lemonnier, Georges Eekhoud, Georges Rodenbach, Émile Verhaeren, Maurice Maeterlinck et Eugène Demolder.

Camille Lemonnier6 et Georges Eekhoud7 sont habituellement considérés comme les représentants belges du naturalisme. Georges Rodenbach, Émile Verhaeren, Maurice Maeterlinck sont fort bien connus en France, y ayant beaucoup résidé, travaillé et publié. Ils ne seront cependant pas les seuls poètes symbolistes belges. Outre les fondateurs de La Jeune Belgique, on retrouvera à leur côté Max Elskamp8, Théodore Hannon9, Charles Van Lerberghe10 et André Fontainas. De son côté, Eugène Demolder11 était romancier, mais semble avoir été plus inspiré par le symbolisme que par le naturalisme.

En opposition avec La Jeune Belgique, qui était d'inspiration parnassienne, on trouve la revue L'Art Moderne, qui prônait un « art social ». Active de 1881 à 1914, elle a été fondée par Edmond Picard12, Octave Maus13 et quelques autres. Elle a notamment eu Émile Verhaeren comme collaborateur.

Il semble qu'Henri Nizet, qui était écrivain naturaliste et originellement affilié à La Jeune Belgique, écrivit le roman à clé Les Béotiens14, où de Lemonnier à Rodenbach, (il) n'épargne personne (Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique).

Du côté féminin, on peut mentionner Marie Nizet, la soeur d'Henri, ainsi que Blanche Rousseau15, Marie Closset16 et Marie Gaspar17, trois amies, éducatrices et écrivaines, qui vers 1910 fondent les Peacocks18.

* * * * *

La littérature belge n'est pas morte à la fin du dix-neuvième siècle. Siècle 19 ne devrait pas s'en préoccuper, mais fermons les yeux. Au vingtième siècle, la Belgique a produit plusieurs écrivains fameux, talentueux ou intéressants. On ne saurait passer sous silence, dans le domaine de la littérature policière ou de la littérature fantastique, Stanislas-André Steeman, Thomas Owen, Jean Ray et Georges Simenon, du côté du surréalisme, Paul Nougé, Louis Scutenaire et Henri Michaux, Michel de Ghelderode au théâtre, et plus récemment Gaston Compère, Françoise Mallet-Joris, Éric-Emmanuel Schmitt ou Amélie Nothomb.

1 - Uylenspiegel, qui a paru de 1856 à 1863, servira de tremplin à la génération suivante, celle de La Jeune Belgique et de la Société libre des Beaux-Arts (Wikipédia). Félicien Rops y contribua régulièrement.
2 - Iwan Gilkin (1858-1924), journaliste et poète, aurait été parnassien et inspiré par Baudelaire et Lautréamont. Son oeuvre principale serait La Nuit (1897).
3 - Max Waller (1869-1889) a été poète, romancier, dramaturge et critique sous plusieurs pseudonymes, dont celui de Max Weller.
4 - Valère Gille (1867-1950), duquel Wikipédia nous dit: poète parnassien à l'inspiration toute classique, ses premiers recueils sont très influencés par le symbolisme et le néo-classicisme, se rapprochant de Leconte de Lisle et de Théodore de Banville, ainsi que de son contemporain français Sébastien-Charles Leconte, a aussi écrit des comédies et des essais.
5 - Albert Giraud (1860-1929) sera d'abord journaliste avant de se faire poète — symboliste ou parnassien, ce n'est pas clair. Wikipédia nous dit que dans La Jeune Belgique, il défend « l’art pour l’art » contre « l’art social » que prône Edmond Picard dans la revue L’Art Moderne , ce qui lui valut un duel avec ce dernier.
6 - Camille Lemonnier (1844-1913) a atteint la notoriété avec son roman Un Mâle (1881). Bien qu'il ait été surnommé « le Zola belge », il se rattacherait dans plusieurs de ses romans au courant dit « décadent », représenté en France par J.-K. Huysmans, Peladan, Lorrain ou Rachilde (Wikipédia). Il a écrit de nombreuses monographies sur l'art belge.
7 - Georges Eekhoud (1854-1927) était un écrivain engagé. Anarchiste et homosexuel, il a traité ces deux thèmes dans ses oeuvres. Wikipédia nous dit: Dans Kermesses et surtout dans La Nouvelle Carthage, Eekhoud affirma son credo social, un intérêt esthétique pour les déshérités et une haine pour la bourgeoisie.
8 - Max Elskamp (1862-1931) était poète symboliste. Né dans la haute bourgeoisie, il s'est intéressé notamment à l'imprimerie, à la reliure, à l'ébénisterie, à l'horlogerie, à la gravure sur bois, aux estampes japonaises, au bouddhisme et à l’ésotérisme. Malheureusement il semble avoir souffert de "spleen" et à la fin de sa vie de démence. Son oeuvre principale serait peut-être les Enluminures (1898).
9 - Théodore Hannon (1851-1915) a été plus peintre que poète, mais son premier recueil, Rimes de joie (1881), a été accueilli favorablement. Il semble que par la suite il sombra dans les parodies faciles, la poésie érotique et les pièces de théâtre de boulevard (Wikipédia).
10 - Charles Van Lerberghe (1861-1907) écrivit de la poésie, dont La Chanson d'Ève (1904).
11 - Eugène Demolder (1862-1919) était le gendre de Félicien Rops. Outre ses romans, il a écrit des contes et des critiques artistiques. Son oeuvre la plus discutée semble être les Contes d'Yperdamme (1891).
12 - Edmond Picard (1836-1924) était avocat et a défendu Camille Lemonnier quand il a été accusé d'atteinte aux bonnes moeurs. Il aura aussi été écrivain, sénateur — il était socialiste, mais antisémite — journaliste et mécène.
13 - Octave Maus (1856-1919) était avocat et critique d'art. Il a aussi écrit quelques livres, notamment sur Wagner. Outre L'Art Moderne, il est fondateur et secrétaire du cercle artistique Les XX (1884-1893) qu’il prolonge avec le cercle La Libre Esthétique (1894-1914) (Wikipédia).
14 - Henri Nizet (1863-1925) a aussi écrit Bruxelles rigole et Suggestion.
15 - Blanche Rousseau (1875-1949) a écrit des contes pour enfants et des récits pour la jeunesse, des pièces de théâtre, des critiques et études littéraires et une oeuvre autobiographique posthume, Mon beau printemps (1950). Elle était mariée à Henri Maubel (1862-1917), avocat, écrivain, poète et musicien qui succéda à Max Waller comme directeur de La Jeune Belgique
16 - Marie Closset, (1873-1952) publiait de la poésie sous le pseudonyme de Jean Dominique.
17 - Marie Gaspar, dite Gaspari (1874-1951) aurait aussi été poète.
18 - Les Peackocks sont décrit par Wikipédia comme une société littéraire secrète, anticonformiste et burlesque à laquelle se joindra ensuite l'écrivain français Francis de Miomandre.



Vers la page d'accueil