Le Paradis des gens de lettres

VIII

Les "bienheureux", les gens de lettres — des demi-dieux! — visitent un éditeur. Il les reçoit sur le même ton que le reste de la population de ce "paradis" a pour eux.

— « Soyez les bienvenus, ô vous qui êtes l'honneur et le soutien de cette maison. C'est à vous seul que je dois cette prospérité qui fait que l'on me considère bien au delà de ce que je suis réellement. Cette estime qu'on m'accorde n'est qu'un reflet de votre puissance; sans vous je ne serais qu'un humble marchand, l'égal de ceux qui vendent les objets les plus vils et les plus grossiers. Soyez les maîtres de cette maison dont chaque pierre a été payée du produit de vos divins travaux. Vos aînés l'ont bâtie, et vous la soutenez chaque jour; vous pourriez, rien qu'en retenant votre souffle, la faire tomber pierre à pierre, et ruiner en même temps l'édifice de ma fortune et de ma renommée. Incapable de vous comprendre, indigne de vous admirer, je n'ose vous adresser des louanges que vous mépriseriez. Je puis du moins sentir la chaleur du bienfait et l'efficacité de la protection, et vous offrir la fidélité du chien et le dévouement du bon serviteur. C'est pourquoi je vous dis encore une fois: Cette maison et son maître sont à vous. Disposez de l'une comme de votre bien et de l'autre comme de votre esclave. »

Etc.

Charles Asselineau
Le Paradis des gens de lettres
1862



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